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II. Les dieux grecs 3. Apollon
Apollon peut être considéré comme l'incarnation même
de l'esprit grec. En lui se résume tout ce qui distingue les conceptions
des Grecs de celles des autres peuples, les barbares : le culte de la
beauté sous toutes ses formes, beauté de l'art, beauté de
la poésie, de la musique, de la jeunesse, des saines conceptions.
Il représente avant tout l'amour des Grecs pour l'intelligible, le
déterminé, l'harmonie, la mesure, opposés au fantastique,
à l'indéterminé, à l'informe, au
démesuré (hubris).
Les devises du dieu, les maximes inscrites sur le temple de Delphes, sont
pleines de résonances à cet égard : Connais toi
toi-même - Rien de trop - Domine-toi - Hais l'insolence - Reste dans les
limites.
Rien de simple dans ce dieu : il offre une personnalité
contradictoire.
- Les origines du dieu
- La légende
On devrait dire les légendes, tant elles sont parfois divergentes, avec
un nombre considérable d'aitiai, de récits explicatifs
mythiques.
Apollon est le fils de Zeus et de Latone (Lètô). Sa sœur
jumelle est Artémis. Il est né à Délos, au sommet du
Cynthe où Latone, poursuivie par la colère de Héra se
serait réfugiée.
D'après une tradition autre, Latone serait venue à Délos
sous la forme d'une louve et des loups, après la naissance d'Apollon et
Artémis, l'auraient conduite en Lycie (littéralement, le pays des
loups), auprès du fleuve Xanthos (c'est-à-dire le blond, comme
Apollon).
Le dieu ne fut pas nourri par sa mère, mais quelqu'un fit goûter
à ses lèvres mortelles le nectar et la douce ambroisie, et ce
quelqu'un était Thémis.
A Delphes, il remporta une victoire sur le serpent Python, gardien de l'oracle
de Gaia. Apollon devient Apollôn Puthios.
A citer le séjour d'Apollon chez Admète, en Thessalie, dans la
vallée du fleuve Tempé. Là, Apollon se fit berger et garda
les bœufs et les chèvres. Cet exil est une pénitence
imposée pour un meurtre. Etait-ce celui du python, celui des
Géants, celui de Maisyas, celui de Hyacinthe ? Le séjour chez
Admète est très important. Cet exil thessalien est un
aition ; il explique plusieurs fêtes qui se déroulaient
à Delphes et dont les participants avaient oublié la
signification. Lors de la fête du Stéptèrion (fête des
guirlandes), les femmes s'approchaient d'un édifice figurant le repaire
de Python et conduisaient au milieu d'elles un jeune et bel adolescent. Elles
incendiaient le repaire de Python et fuyaient. Le jeune garçon
connaissait la servitude et ses faits et gestes représentaient Apollon
à la recherche de sa purification. Le Séjour d'Apollon dans la
vallée du Tempé était célébré par de
jeunes nobles au cours de la fête des Daphnèphories, fête des
porteurs de laurier. Ils allaient en Thessalie, sur les rives du Tempé,
ils offraient un sacrifice solennel et se tressaient des couronnes avec les
lauriers du Tempé. Les lauriers serviront plus tard à couronner
les vainqueurs des jeux olympiques.
Un retour annuel : au Ve siècle, on pensait qu'Apollon quittait
Delphes en hiver et vivait dans le Nord, au milieu d'un peuple heureux qui
chantait ses louanges.
On ne connaît pas à Apollon d'épouse légitime mais il
eut une foule d'aventures, toutes finirent très mal. Parmi les
élues, Daphné, nymphe du Parnasse, l'interprète de l'oracle
de Gaïa. C'est le premier modèle de la Pythie. Il recherche une
hiérogamie, mais Daphné n'aime pas Apollon et s'enfuit. Or Apollon
courait vite. Sur le point d'être rejointe, elle demanda secours à
Gaïa qui s'entrouvre et Daphné disparaît : tête
d'Apollon. A cet endroit, le dieu fit surgir le laurier, arbre d'Apollon.
Après Daphné, il y eut Cassandre, Castalie, Marpessa, Coronis,
mère d'Asclépios dont la trahison fut annoncée à
Apollon par un corbeau blanc. Apollon furieux le noircit. Artémis a
vengé son frère en tuant Coronis. Pauvre Asclépios !
Il fut confié à Chiron. Il y eut aussi Clyménè,
mère de Phaéton…
Apollon ne doit pas être un Hellène pur. On n'a pas trouvé
à son nom d'étymologie convenable. On a songé à
apellai, les bergeries, appellazô, réunir (au sens
politique). Les Grecs eux-mêmes considéraient Apollon comme une
acquisition récente. D'où vient-il ?
- D'où vient Apollon ?
Apollon ne doit pas être un Hellène pur. On n'a pas trouvé
à son nom d'étymologie convenable. On a songé à
apellai, les bergeries, appellazô, réunir (au sens
politique). Les Grecs eux-mêmes considéraient Apollon comme une
acquisition récente. D'où vient-il ?
Origine crétoise
Dèslos a toujours eu, surtout dans les siècles primitifs, de
très nombreux rapports avec la Crète et les marins crétois
avaient un point d'attache au port de Délos, Krisa. Une thèse veut
que ce soient des marins crétois qui aient introduit à Krisa, puis
à Delphes, le culte d'Apollon. Leur bateau fut guidé par un
animal, le dauphin, en grec delphis ; Apollon est dit
delphinios. Delphes a-t-il donné delphinios ou
delphinios Delphes ? Cette histoire est peut-être un
aition. Aujourd'hui, cette hypothèse crétoise n'est pas
retenue.
Origine asiatique
Elle s'appuie sur l'épithète d'Apollon lukeios, le Lycien -
Lykeios veut aussi dire loup. Rappelons-nous la forme prise par Latone,
le fait que ce soient des loups qui aient emmené Lèto en Lycie. On
immolait des loups à Apollon, dieu des troupeaux et des bergers.
Dals l'Iliade, Apollon est du côté des Troyens, qui sont
asiatiques, et un chef de l'armée troyenne, Pandaros, Lycien lui-
même, invoque Apollon.
Le dieu est dit aussi lètoïdès, fils de Lèto,
et Hérodote nous dit que les Lyciens prenaient le nom de leur
mère. Certains assimilent Lèto à une déesse
lycienne, Lada. Lors de la guerre de Troie, les Grecs aussi invoquent Apollon
comme ils invoquent chaque divinité redoutable, même
défavorable.
Il est certain qu'Apollon et Artémis sont adorés à
l'époque classique ensemble, comme divinités parentes, à la
mode asiatique.
C'est en Asie que se trouve le plus grand temple d'Apollon, Didymes. On a
trouvé des inscriptions hittites à un Apollonas, divinité
des portes (pulai), or Apollon était un dieu du seuil.
Origine nordique
Apollon est un ouranien. C'est le dieu des troupeaux, des pasteurs nomades venus
du Nord. Le cygne est aussi un attribut d'Apollon. C'est un oiseau
septentrional.
Autre symbole d'Apollon, l'ambre. Cette hypothèse s'appuie sur la
tradition qui rattache Apollon aux Hyperboréens et le fait venir d'un
endroit quelconque du Nord, où il avait été trouvé.
Un poème d'Alcée nous dit que Zeus avait désigné
Apollon pour aller à Delphes et pour être le législateur des
Hellènes. Pour ce voyage, Zeus lui donna comme moyen de locomotion des
cygnes, et Apollon se rendit chez les Hyperboréens au lieu d'aller
à Delphes, où il finit cependant par se rendre pour rassembler les
populations. Rappelons-nous ce séjour chez Admète, en Thessalie,
au nord de l'Attique.
Quels sont, au fait, ces Hyperboréens ?
Pour beaucoup d'auteurs, ce sont des personnages merveilleux. Ils vivent
jusqu'à mille ans, sans travail, sans luttes, dans l'euphorie la plus
totale. Pindare ne leur enlève rien de ces caractères simples.
Hérodote est plus précis. Les Hyperboréens, depuis le fin
fond des âges, envoyaient chaque année des offrandes à
Délos. Ces offrandes, ils les avaient d'abord confiées à
des jeunes filles. Une fois, deux de ces jeunes filles sont mortes à
Délos. Hérodote a vu leur tombe. Depuis ce jour, les
Hyperboréens gardaient leurs jeunes filles et faisaient passer leurs
offrandes. Le plus phénoménal, c'est qu'on a retrouvé les
deux tombes. C'étaient deux tombes crétoises !
Les Hyperboréens restent encore pour nous des personnages difficilement
saisissables. Les historiens et les archéologues se demandent s'il faut
faire des Hyperboréens des gens d'au-delà de
Borée/Bora/Gora=montagne, des gens d'au-delà des montagnes. Des
ouraniens, tout simplement. Borée/pherô=je porte, des gens
qui font porter des présents à Apollon (cf. le récit
d'Hérodote). Où étaient-ils alors ? On se perd en
conjectures. Les Hyperboréens viennent de la vallée du Danube, au
moins de l'est de la Caspienne, voire de l'est de l'Oural ou encore du Thibet,
disons entre la mer d'Aral et le Thibet. On en était arrivé
là lorsqu'on songea à examiner de plus près la
personnalité d'Apollon. Un dieu devenu oraculaire, mieux, il a une Pythie
qui rend des oracles dans un état second, une extase, et
l'élément extatique de la religion apollinienne est fondamental.
Entre la mer d'Aral et le Thibet, la tribu sibérienne des Khamars
pratique une extase divine et prophétique sous la même forme que
l'extase pythienne.
Que conclure ? Cette divinité indo-européenne s'est
déplacée vers le sud de l'Europe et le nord de l'Asie, et l'Asie
Mineure a été point de confluence.
- Apollon et Dionysos
Dieu de la forme, dieu de l'harmonie, dieu de la mesure, Apollon s'oppose
catégoriquement à Dionysos. Les deux divinités semblent
deux pôles de l'esprit grec. Cependant certains, à la fin du XIXe
siècle prétendirent qu'ils n'étaient pas si opposés
que cela. La Pythie, l'extase, ont une origine dionysiaque. Pourtant, pas de
suite orgiastique chez Apollon. Dionysos est un dieu avec lequel les
fidèles s'identifient pendant l'extase. Apollon n'exige de ses
fidèles aucune initiation et son culte n'est pas un culte de
mystères. Il semble qu'il n'y ait pas eu interpénétration.
Cependant, un problème ce pose : cette question de l'extasis.
L'extasis pouvait permettre une comparaison entre Apollon et Dionysos.
Mais l'extasis est dès le départ inhérente au culte
d'Apollon et n'a jamais été empruntée aux rites de
Dionysos. Pas d'élément orgiastique autour d'Apollon. Dans le
culte d'Apollon, pas d'union avec le dieu, pas d'initiation. Il n'y a pas
là de point commun et les deux restent opposés.
Il n'en est pas moins vrai que l'extase a permis une réconciliation entre
Apollon et Dionysos, réconciliation d'ennemis au départ farouches.
Elle a bien eu lieu et ceci est extrêmement important pour toute la
civilisation grecque. Elle s'est manifestée par l'adoption de Dionysos
dans le panthéon hellène, par la création de l'gendes,
d'aitia. Dans son adoption, Dionysos a eu un parrain, un garant, Apollon.
C'est ce qui explique qu'à la fin du Ve siècle, Apollon et
Dionysos finissent par s'interpénétrer. Déjà
Eschyle, parlant d'Apollon, disait " le dieu couronné de
lierre ". Or le lierre est un des attributs essentiels de Dionysos.
Euripide dit " le seigneur Bacchos, amant du laurier, Apollon à
la lyre mélodieuse… ". Une véritable fusion. Dionysos,
au IVe siècle, est adoré à Delphes.
Cette fusion est la réconciliation des deux pôles de l'esprit grec.
Le pôle d'Apollon est celui de la rigueur, de la pureté des lignes
et des formes, de la logique et de l'harmonie. Le pôle dionysiaque est
celui de la joie délirante, de l'exubérance et du mysticisme.
Comment concluons-nous sur ces origines d'Apollon ? Il est manifeste qu'un
grand dieu panhellène de cette importance et de cette universalité
a absorbé en lui-même des divinités ou des
éléments de divinités d'origines très
variées. La synthèse finale dépasse très largement
cette somme d'acquisitions diverses. Elle nous apparaît pleine de grandeur
et de vie.
Le rayonnement d'Apollon a été immense. La religion apollinienne a
et des missionnaires enthousiastes, qui eurent à cœur d'étendre le
plus possible son influence, ce qui est extrêmement rare en Grèce.
La religion grecque n'a jamais été une religion conquérante
ni jalouse. Elle a toujours été très libérale. Il
faut aller au culte apollinien pour trouver cette volonté d'apostolat.
- Les fonctions d'Apollon
- Fonctions législatives
Apollon est un dieu législateur et interprète des lois. Jusqu'au
Ve et au IVe siècles, il était absolument logique pour les
législateurs grecs de fonder leur œuvre sur les décrets divins.
Pour sonder les volontés des dieux, les Grecs consultaient les oracles,
et surtout celui d'Apollon à Delphes. C'est ainsi que beaucoup
d'états passaient pour avoir reçu leur constitution d'Apollon.
L'exemple le plus remarquable est celui de Sparte, dont la constitution aurait
été donnée par Delphes à Lycurgue. A Athènes,
les lois de Dracon sur le meurtre et l'homicide semblent avoir été
inspirées par des idées delphiques, voire par des maximes
delphiques. L'oracle aurait même contribué à organiser la
démocratie athénienne naissante. Aristote affirme que
Clisthène donna aux dix tribus d'Athènes le nom des héros
que la Pythie avait choisis. A partir de cette inspiration directe des lois et
des constitutions, Apollon était devenu l'exégète type des
Grecs.
En plus de l'oracle, il avait des ministres connus sons le nom
d'exègètai, qui expliquent et qui conseillent. Apollon
conduisait, conseillait les états et les simples citoyens. Il y avait des
exégètes à Sparte, où ils portaient le nom de
theopropoi - prophètes - qui parlaient au nom du dieu. Les
théopropoi spartiates prennent leur repas avec les rois, aux frais
de l'état, et transmettent les avis, les instructions, les offres de
Delphes à la cité. A Athènes, il y avait des
exègètai, deux nommés par l'oracle et deux
élus. Les exègètai restent citoyens, ce qui traduit
le particularisme grec. L'oracle de Delphes répondait :
" Suis la loi de ton pays ".
Quelles étaient les fonctions des exègètai ?
Ils réglementaient une quantité de questions religieuses :
tout ce qui concerne les temples, la liturgie, les sacrifices ; ils
indiquaient les purifications nécessaires aux meurtriers ou à ceux
qui avaient été mêlés à un meurtre. En temps
habituel, ils s'occupaient aussi des affaires courantes, et participaient
à l'interprétation de la loi.
Apollon, par ces exègètai est donc le grand patron du
droit, des statuts religieux ; il est l'interprète suprême de
la loi.
- L'homicide et le meurtre
Apollon a une compétence particulière en matière d'homicide
ou de meurtre. Dans ce domaine délicat et sacré,
l'évolution s'est faite entre la vendetta de l'époque
archaïque et la procédure officielle qui punit l'homicide. Dans l'un
et l'autre cas, Apollon est toujours le garant. La croyance antique voulait que
la victime d'un meurtre non vengé se vît refuser l'entrée du
royaume des ombres. Sa psuchè alors revenir dans le cadavre,
poursuivant de sa vengeance terrifiante non seulement le meurtrier, mais aussi
ceux qui avaient failli au devoir sacré de punir le coupable.
L'idée d'homicide était liée à l'idée de
souillure, une souillure qui rejaillissait sur la collectivité tout
entière, le clan, à l'origine, qui, pour éviter cette
souillure, devait venger le meurtre d'un de ses membres. C'était bien la
vendetta. Plus tard, c'est la cité, l'état, qui eut à
venger le meurtre et veiller à l'accomplissement de ce devoir, dans son
intérêt propre. Si le meurtrier devenait introuvable, il incombait
au chef de la cité de prononcer l'interdit ou la malédiction sur
la personne du coupable dans l'espoir d'effacer la souillure, et alors la
divinité que l'on invoquait était précisément
Apollon.
La nécessité d'une purification, même en cas de
légitime défense, s'est toujours imposée aux Grecs, et
c'est Apollon qui est le purificateur. Ce point est très important :
il explique qu'Apollon soit l'un des rares dieux dont le regard se tourne vers
la terre, un dieu qui intervient dans la vie même des hommes.
- La pureté et le beau
Apollon est le dieu de la pureté et du beau, ce qui revient au
même. La personnalité d'Apollon, comme celle du peuple grec, se
développe, passant de la vie barbare symbolisée par la vendetta
à l'intelligence la plus haute, aux exigences les plus
élevées.
Apollon est le dieu de l'intelligence utile, de l'intelligence qui soulage.
C'est un dieu de la médecine. Il fait naître les maladies, mais il
a aussi le pouvoir de guérir, c'est-à-dire de purifier le corps. A
la fin de la peste d'Athènes, au début de la guerre du
Péloponnèse, les Athéniens consacrent sa statue sous
l'épithète d'épicourios, secourable. A ce titre, les
Arcadiens lui élèvent le temple de Bassae, un des plus beaux
temples d'Apollon. C'est aussi le rôle des oracles que de guérir et
de soulager. Le Péan, chant d'Apollon, a pour refrain
" Iè paian ", évoquant une harmonie
morale et corporelle, l'idéal du kalos kagathos.
Apollon est le propagateur de la notion de pureté morale :
" Pénètre avec une âme pure dans le sanctuaire du
dieu pur ". Apollon est phoïbos, le purificateur. Il est
l'exemple de cette pureté morale par la pureté physique.
La pureté morale et le pureté physique, c'est-à-dire
l'harmonie - un corps souffrant est sans harmonie - c'est aussi l'art. Apollon
est le dieu de la beauté, de l'harmonie, des formes plastiques musicales,
il est le dieu de la musique et de la poésie. Il passe pour être
lui-même l'inventeur de la cithare. Il préside le chœur des
muses : il est Apollon Mousagètos.
- La terre et les champs
Apollon est aussi un dieu terrien et agraire. C'est un aspect sous lequel il
peut revêtir des formes extérieures primitives. Son attribut est
l'arc, arme d'un dieu chasseur, du dieu d'une tribu qui vit de la chasse. Plus
tard, on le retrouve dieu des bois et des grottes. C'est à cet aspect que
se rapporte la légende d'un Apollon dieu-loup. On voit par là le
passage d'un genre de vie de chasseur à un genre de vie pastoral. Apollon
protège les troupeaux et les bergers. Il est adoré avec Pan et les
nymphes. Il passe même pour celui qui donne le lait aux brebis :
Apollon galazios.
Dieu des troupeaux, de la musique et de la médecine : les trois
choses sont étroitement liées. La houlette et la lyre vont
toujours de pair. Le berger est aussi guérisseur et musicien (cf. Giono,
Le serpent d'étoiles). Dieu des arbres, dieu des fleuves, Apollon
devient aussi un dieu franchement agricole, un dieu de la culture, avec la
sédentarisation des peuples qui adorent Apollon. C'est lui qui fait
germer et fructifier les moissons. A Delphes, à Délos, il
reçoit les prémices des récoltes. Plusieurs cités
lui offrent des épis d'or. Cette récolte, tandis qu'elle
mûrit, est menacée d'ennemis, rouille, mulots, sauterelles. Tous
ces maux sont conjurés par le purificateur supérieur. Apollon
reçoit alors les qualificatifs d'épisubios, celui qui
conjure les rouilles, de sminthios, celui qui conjure le rat des champs.
Avant la moisson, on célèbre des fêtes en son honneur. A
Delphes, il est alors Apollon sitalchos, celui qui s'occupe de la
nourriture.
- Le soleil
En réalité, nous sommes conduits à cette idée du
dieu solaire de deux façons. D'une part, il y a son ascendance et son
caractère ouraniens, mais le deuxième cheminement se fait par
l'intermédiaire de son caractère purificateur. Ce n'est que plus
tard que l'idée d'Apollon phoibos a été
développée par les philosophes stoïciens et platoniciens.
C'est cette idée qui est à l'origine de cet Apollon un peu
sophistiqué de l'art occidental.
- La mer et les voyageurs
Oui, c'est assez curieux, mais c'est comme ça. Il est aussi le dieu des
marins qui lui adressent des prières à l'embarquement et au
débarquement. Apollon est protecteur des navigateurs, garant des
traversées heureuses et protecteur des naufragés, le dieu des
escales et des îles. Le dauphin lui est consacré. Apollon,
protecteur des voyages est aussi celui des établissements grecs au-
delà des mers. C'est lui qui sert de guide à quiconque se met en
route et l'on place sa statue au seuil de la demeure, en signe de bon accueil.
Il est devenu par là un dieu constructeur de villes. Une vieille
légende l'associe à Poséidon.
Apollon est un dieu universel.
- Le culte d'Apollon
Le culte d'Apollon ne comporte que des cérémonies publiques. Nous
ne trouvons aucune trace de mystères, de rites secrets, d'initiation. Peu
ou pas d'éléments chthoniens.
On lui offre des sacrifices et les animaux qu'il préfère sont les
chèvres. A Délos, l'amas des cornes de ces chèvres forme
déjà sous l'antiquité un volumineux monticule appelé
autel des cornes, autel que l'archéologie a retrouvé.
Ces sacrifices prennent une ampleur particulière à certains
endroits et à certaines occasions.
- Les sanctuaires
Un grand nombre de sanctuaires d'Apollon sont tout simplement des grottes. Il y
en a de nombreuses dans toute la Grèce, notamment en Attique. Par la
suite, on a construit au dieu des temples, ou même des sanctuaires. Le
temple est un édifice qui contient la statue du dieu ; le sanctuaire
est un espace consacré, qui peut être un simple enclos ou un
ensemble de bâtiments consacrés aux dieux : un temple, un
théâtre, un stade, des bâtiments pour loger les
prêtres, les marchands de souvenirs, de frites, d'esquimaux…
Parmi ces grands sanctuaires, beaucoup comportent un oracle. En Béotie,
Thèbes, Tégyre, Ptoion ; en Asie mineure, Claros, Didymes
(attribué à une migration delphique, une sorte de sanctuaire
d'exportation), sans oublier Delphes et Délos.
- Les fêtes
Les fêtes d'Apollon ont essentiellement lieu au printemps et en automne.
Certains jours du mois sont particulièrement consacrés à
Apollon : ce sont le 1er, le 7e
(considéré comme son jour de naissance), le 14e et le
20e. Ces fêtes sont très variées : elles
correspondent aux fonctions multiples du dieu. Parmi les principales, les unes
ont un caractère agraire très net, les autres un caractère
artistique. Ce sont en Laconie les carneia, à Sparte, les
hyacinthia, fêtes agraires correspondant à la récolte
des premiers fruits. Une version spéciale de cette fête, les
claria didumena comporte des jeux gymniques et lyriques.
Les fêtes de Délos font une large part à l'art et à
la poésie. Elles ont lieu tous les ans et avec une solennité
particulière tous les quatre ans, la troisième année de
l'olympiade. Tous les Grecs y déléguaient des ambassadeurs. Le
programme de la fête est réglé sur celui de toutes les
fêtes panhelléniques : concours musicaux
et gymniques et courses de chars.
A Delphes, la grande fête est celle des jeux pythiques,
célébrés tous les quatre ans, le sept du mois de septembre.
C'était à l'origine une cérémonie agraire, mais
à l'époque classique, elle exprime et veut exprimer un des aspects
les plus hauts de la civilisation grecque. Musique et poésie sont au
premier rang. Plus tard, on ajoute à la poésie des concours de
tragédie et de peinture. Mais cette fête delphique a d'autres
aspects. Elle comporte des rites de purification et tous les huit ans a lieu
l'épisode très particulier du septèrion.au cours
duquel les jeunes gens d'Athènes vont au Tempé et en reviennent
avec le laurier qui couronnera les vainqueurs olympiques.
- A Athènes
Les Athéniens envoient à Délos et à Delphes des
théories. La théorie est une ambassade solennelle dans le but
unique et précis de représenter une cité aux fêtes et
aux grand jeux panhelléniques. A la tête de ces théories, un
archithéore, dont les fonctions constituent une liturgie. Ces
théories sont couvertes de fleurs. La cité assume quand même
une partie des frais du voyage mais les archithéores mettent un point
d'honneur à se faire remarquer par un luxe ostentatoire.
On part par la route de Thèbes à travers la Béotie et la
Phocide. Cette théorie porte le nom de Pythaïde. Elle est
composée de magistrats, de prêtres et des éphèbes qui
prendront part aux jeux.
La théorie à Délos se rendait dans l'île
sacrée sur un bateau qui s'appelait la galère paralienne, et
pendant le voyage de la Paralienne, il n'avait pas d'exécutions
capitales.
Il y avait aussi les thargelia, qui se célébraient les 6 et
7 du mois de Thargelion (mai-juin). Le six, on purifiait la ville par le rite
fameux des pharmakoi, analogue à l'usage palestinien du bouc
émissaire. Deux hommes, dont l'un portait un collier de figues noires et
l'autre un collier de figues blanches étaient poussés de par la
ville. Ils étaient censés représenter les deux sexes et
prendre sur eux toutes les impuretés de la cité au fur et à
mesure qu'ils la traversaient. On les frappait - pas méchamment -
à coups de branches de figuier et de tiges d'oignons. De temps en temps,
ils mangeaient du pain, du fromage et des figues. Plus tard, on les chassait de
la ville. C'était un rite important pour la moisson.
De même, en Béotie, pour éloigner la famine, l'archonte, pour
la ville, et les pères de famille battaient un esclave avec des tiges de
figuier en criant " Hors d'ici, famine, ici, richesse et
santé ! "
Puis, le 7, avait lieu le rite du thargelos. On cuisait ensemble, dans un
même pot, les germes de toutes les céréales, et le
thargelos, c'est à la fin une bouillie, et le pot où l'on a
fait cuire cette bouillie est porté à l'autel d'Apollon
apotropaios, celui qui écarte les fléaux, auquel on
l'offrait.
Les fêtes des pyanopsia avaient lieu le 7 du mois de Panopsion (fin
octobre). On cuit un plat de fèves avec de la farine de froment et cette
purée est offerte à Apollon. Les fruits du potager étaient
ainsi placés sous la protection divine.
Apollon, grand dieu de l'époque classique, conquérant,
missionnaire, a influencé un grand nombre de religions antiques. Les
enseignements de Pythagore reflètent de très nombreux aspects de
la religion apollinienne. Le pythagorisme exalte la purification et les plus
hautes vertus morales.
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