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II. Les dieux grecs 2. Athéna
Athéna est le type même de la divinité protectrice de la
cité, de l'état. A l'époque classique, elle exprime une
civilisation intelligente, réfléchie, harmonieuse, claire, que
dis-je, transparente, sans mystère ni mysticisme. Sa personnalité
pourtant n'est pas simple.
- Origines et légendes d'Athéna
Très tôt, nous trouvons le culte d'Athéna dans de
très nombreuses régions du monde grec. La déesse est
mêlée aux légendes les plus archaïques, au folklore le
plus lointain.
- Athéna, déesse mycénienne
Athéna, dans ses manifestations folkloriques, nous apparaît
nettement comme une déesse préhellénique ; elle a
été alors la divinité protectrice des princes
régnants crétois et mycéniens.
Parmi les points bien définis, certains, de la religion crétoise
et de la religion mycénienne, figurent le culte de la déesse-
serpent et des arbres.
Or Athéna, même à l'époque classique, a pour
compagnon habituel un serpent, et ses rapports avec Erechthée, le roi-
serpent, sont particulièrement étroits. Beaucoup d'arbres
étaient consacrés à l'Athéna classique, en
particulier l'olivier.
Elle était devenue la déesse du palais des princes
mycéniens, en rapport avec tout un tas de travaux d'intérieur,
tissage ou filature.
A l'origine, Athéna n'était pas belliqueuse, mais la
société n'était guère fondée que sur la
guerre.
A Athènes, Athéna a été une variante de la montagne
déesse-mère. Elle vécut donc sur l'Acropole, appelée
à l'époque Athènè. Grâce à son
locatif, Athénai donne un pluriel justifié par le
synoecisme, la réunion de plusieurs bourgades. L'Athéna de
l'Acropole s'appelait comme le rocher même. C'était la
déesse chthonienne. A ce titre, elle protégera la polis
naissante : ce sera Athéna Polias.
A ce titre de déesse-mère, Athéna était liée
aux produits du roc, toute vie végétale ou animale existant dans
les creux du rocher. Par conséquent, elle était symbolisée
par l'olivier, par le serpent, et par la chouette, oiseau des cavernes, qui lui
fut consacrée.
- La fusion
Cette athéna chthonienne fusionne ultérieurement avec une
divinité grecque. Athéna, dont l'étymologie n'est pas indo-
européenne, n'est pas hellénique, a trouvé après les
invasions une concurrente dangereuse : Pallas, mot grec qui signifie jeune
fille, vierge. Il est à peu près certain que les envahisseurs
hellènes ont amené avec eux cette divinité virginale, qui
devait être martiale, une sorte de Walkyrie. C'était la vierge
sévère, rebelle au mariage.
Pallas et Athéna ont finalement fusionné, apportant chacune
quelques caractères importants. Ceux d'Athéna étaient
certainement les plus nombreux. Et c'est ce qui nous explique que, dans l'Olympe
homérique, au panthéon des envahisseurs, Athéna ait fait
figure d'intruse. Dans l'Iliade, Arès se plaint de l'intervention
d'Athéna parmi les dieux comme d'un phénomène récent
qui a bouleversé les cieux, et si la mythologie a imaginé la
fabuleuse naissance de cette intruse qui n'avait pas de mère, la
légende du fusionnement était née. Hésiode finit par
lui inventer une mère, Mètis. Finalement, cette Athéna
Pallas est la fille favorite du maître des dieux qu'elle aide de ses
conseils. Elle tue la Gorgone et en place la tête sur son égide
devenue gorgoneion.
Une déesse aussi complexe a évidemment de multiples fonctions.
- Les fonctions d'Athéna
Les fonctions d'Athéna ne sont pas seulement multiples et
variées : elles sont aussi contradictoires.
Divinité poliade
Athéna est une divinité poliade. C'est la divinité poliade
par excellence. Elle est donc la protectrice des acropoles et la gardienne des
cités. En cette qualité, elle est vénérée
dans les temples sacrés situés sur les hauteurs et qui ont bien
souvent une importance stratégique.
Parmi ces villes, sa préférée est Athènes. Quand
les Athéniens abandonnent leur ville à l'approche des Perses,
c'est à Athéna qu'ils confient la cité : avant la
bataille de Salamine, un décret officiel confia la ville à
Athéna.
D'autres cités honorent Athéna comme leur gardienne. Toutes ces
cités possèdent une image miraculeuse de la déesse, un
palladion : Troie, Sparte, Rhodes.
Athéna, divinité de la concorde intérieure, de l'union, de
l'unité extérieure est la divinité du panhellénisme.
C'est autour d'elle que la tentative de Périclès a
été élaborée.
Divinité familiale
Là, le cheminement est assez confus. Il s'agit visiblement de l'origine
chthonienne. Déesse du palais mycénien, Athéna, à
l'époque classique, est devenue naturellement la protectrice de la
famille. Elle s'intéresse à la conclusion des mariages. La
prêtresse d'Athéna portait chez les jeunes mariés l'image de
la déesse. De là, Athéna étend sa protection aux
enfants des premiers âges.
Divinité guerrière
Cette fonction est la suite logique de son rôle vis-à-vis de la
cité. Le meilleur garant de l'indépendance de la cité,
c'est la déesse. Le gorgoneion est un de ses attributs les plus
instantanés et les plus efficaces. Dans la guerre de Troie, elle
intervient constamment. Elle est Athéna promachos, celle qui
combat au premier rang, elle est Athéna nikè, celle qui
donne la victoire. Elle passe parfois pour avoir inventé le char de
guerre, et elle est dompteuse de chevaux.
Divinité de l'industrie et des travaux artisanaux pacifiques
Elle préside à tous les arts et à tous les travaux de la
paix, qui expriment la plus haute habileté manuelle. Athéna,
déesse aux doigts agiles, est la patronne des fileuses et des tisseuses.
C'est Athéna erganè, artisane, patronne des potiers (elle
avait inventé le tour), des armuriers, des ouvriers du bronze, elle
invente l'équerre et protège aussi les beaux-arts.
Divinité agricole
Elle a d'étroits rapports avec Cécrops et les filles de
Cécrops. Dans ce domaine elle ne présente pas de traits
mystérieux. Elle est divinité des champs, divinité des
eaux.
Divinité de la santé
Déesse de la santé physique et morale, elle possède
à ce titre une statue sur l'Acropole ainsi que des autels. C'est
Athéna hugieia, la déesse de la bonne santé. Il est
probable qu'avant l'introduction du culte d'Asclèpios à
Athènes, Apollon et Athéna se partageaient les guérisons.
Déesse purificatrice dans le domaine physique, Athéna l'est aussi
dans le domaine moral. Elle a la faculté d'acquitter les dettes de sang,
prend la défense de l'homicide involontaire ou du meurtre en
légitime défense depuis la défense d'Oreste devant
l'Aréopage.
Divinité vierge
D'une chasteté farouche, elle n'excuse ni les faiblesses ni les
curiosités malsaines. Elle rend aveugle Tirésias qui l'a surprise
au bain. Elle défend l'honneur du foyer conjugal.
Divinité de l'intelligence, de la justice et des arts
Athéna est la déesse de la raison et du savoir, la déesse
des plus hautes spéculations de l'esprit. Sa sagesse guide les hommes et
les états. A Athènes, elle est Athéna boulaia.
Gardienne de l'hospitalité, gardienne de la justice, c'est elle qui, au
nom de l'intelligence, de la clarté, de la raison, répudie les
violences archaïques de la vendetta et du talion. Elle institue un tribunal
particulier pour le jugement des meurtres involontaires, le palladion.
Elle protège enfin les arts et la musique : Athéna
aedôn, rossignol.
- Le culte d'Athéna
Le culte d'Athéna est un culte universel. Il est
célébré partout avec plus ou moins de solennité. Il
est particulièrement développé dans les îles et en
Asie Mineure où se déroulent les fêtes des theia, en
Thessalie, à Corinthe, en Argolide, en Arcadie, en Laconie, en
Béotie où ont lieu les pamboiotia, fêtes de la
confédération béotienne. Mais Athéna était
vénérée avec encore plus d'ampleur, plus de
solennité en Attique.
Dans cette région, certains dèmes semblent avoir connu un culte
d'Athéna plus ancien et différent de celui de la capitale,
notamment le dème de Pallènè. A Athènes, la
déesse a pris la place de divinités indigènes
antérieures, Cécrops et Erechthée, qui furent
absorbés par Poséidon. Athéna est cependant devenue la
divinité poliade par excellence.
Le cycle des fêtes d'Athéna commence par les
sunoikèsia, fêtes du foyer, de la réunion des
bourgades qui vont former " les Athènes ",
Athènai, mot pluriel, synoecisme dont le réalisateur
légendaire est Thésée. On offre un sacrifice pour la paix.
Puis vont se dérouler en liaison avec un des rôles d'Athéna
des fêtes agraires. Octobre-novembre : semailles. Deux petites filles
de sept à onze ans, les arréphores, élues par
l'ekklèsia à la mi-novembre de l'année
précédente et logées sur l'Acropole, sont au centre d'une
étrange cérémonie nocturne. La prêtresse
d'Athéna leur met sur la tête une corbeille sacrée dont ni
la prêtresse ni les arréphores n'étaient censées
connaître le contenu. Les arréphores descendaient de l'Acropole par
un souterrain en cul-de-sac au fond duquel elles déposaient le contenu de
la corbeille, voilé, et prenaient d'autres objets voilés qu'elles
rapportaient sur l'Acropole. C'étaient des gâteaux de formes
diverses, serpents, pommes de pin, phallus et symboles de
fécondité, et les restes de ces gâteaux devaient être
mêlés aux semailles. Après leur séjour sous terre,
ils sont les garants des récoltes futures.
Le même mois, les bouzyges, famille sacerdotale d'Athéna qui
prétendaient descendre du héros Bouzugès, celui qui avait
appris aux Athéniens l'agriculture et notamment le labourage - on
conservait sa statue à Athènes - les bouzyges, donc,
procédaient au labourage sacré. Derrière eux, un semeur
jetait le grain mêlé aux restes des gâteaux sacrés.
A la fin de l'hiver, vers le mois de Mars, quand les pousses de blé
commençaient à grandir, on offrait à Athéna un
sacrifice de reconnaissance lors d'une fête, les procharesteria.
Les magistrats de la ville y assistaient.
Au mois de mai-juin, les pluntèria, qui commençaient par un
grand lavage du temple d'Athéna ; puis une procession conduisait la
statue vers la mer. C'était très grave, car pendant ce temps, la
ville était privée de sa protectrice ; la journée
était donc classée néfaste. Puis la statue revenait,
parée, on lui offrait une brebis et un plat de figues.
Une autre fête est représentée par les
hôschophoria. Une procession se rendait à quelque distance
d'Athènes, par la voie sacrée qui menait à Eleusis. Tous
les participants étaient munis d'un parasol blanc. Ils se rendaient
jusqu'à un champ qui justement avait été le premier
ensemencé par les Athéniens. On y conduisait la statue
d'Athéna que l'on frottait avec la terre pour faire venir la pluie en
montrant à la déesse les inconvénients de la
sécheresse.
Les nikètèria célébraient à l'origine
la victoire d'Athéna dans sa querelle avec Poséidon, puis
commémorèrent la victoire de Platées.
Il i avait aussi des chalkeia, fêtes du bronze en l'honneur
d'Athéna erganè et d'Héphaïstos, mais toutes
ces fêtes pâlissaient devant les Panathénées.
- Les Panathénées
La fête des Panathénées se déroulait tous les ans, et
plus solennellement encore, on célébrait tous les quatre ans les
Grandes Panathénées.
- Historique
La tradition attribue l'institution des Panathénées au
héros Erichthonios. Elles n'étaient au début qu'une petite
fête locale d'un des dèmes de l'Attique. Thésée en
fit la fête commune de toutes les bourgades de l'Attique. Elles offraient,
à l'époque classique, un caractère politique aussi bien
qu'un caractère religieux. Jusqu'à Pisistrate, elles sont
fêtées tous les ans. C'est lui qui institue les fêtes
quadriennales avec des concours gymniques et musicaux.
Elles ont lieu la troisième année de l'Olympiade, le 28 du mois
d'hécatombaion (mi-août). Ces fêtes étaient
organisées par les magistrats de la cité, assistés de
fonctionnaires spéciaux, les hiéropes, au nombre de dix,
désignés par le sort, chargés des sacrifices. Il y avait
aussi les athlothètes, dix, chargés des concours. Car ces
Panathénées comprennent des concours et une
cérémonie religieuse.
- Les concours
Les concours font la différence entre les grandes et les petites
Panathénées. Ils sont ouverts à tout le monde grec et
comprennent trois catégories principales : musique, gymnastique et
hippisme, plus un concours de pyrrhique (danse en armes) une
lampadodromia, et un concours de beauté.
- Le concours musical
Le concours de rhapsodies avait été institué par
Pisistrate. Il s'agissait de la récitation chantée de
poèmes homériques transmis oralement.
Le concours de musique avait été institué par
Périclès, qui fit construire pour lui l'Odéon.
Le concours de poésie avec accompagnement de cithare et
d'aulè était suivi d'un concours de cithare, puis d'un
concours d'aulè. On gagnait une somme d'argent et une couronne.
Peut-être une série spéciale était-elle
réservée aux enfants.
- Le concours gymnique
Le concours gymnique passait pour avoir été institué par
Pisistrate. Jusqu'au quatrième siècle, il se déroule
à Echelidai. On construisit plus tard le stade panathénaïque.
Les épreuves d'athlétisme duraient deux jours et comprenaient les
mêmes catégories que les jeux olympiques : course, lutte,
pugilat, pancrace, pentathle.
Les concurrents étaient répartis en trois séries
d'après leur âge : enfants, jeunes gens, hommes. Le
prix : des amphores d'huile. C'est quelque chose d'essentiel : c'est
avec l'huile qu'on fait sa toilette, qu'on s'éclaire, qu'on s'oint avant
les jeux. Au cours de ces jeux était donnée lecture des
décrets honorifiques.
- Le concours hippique
Le concours hippique est le plus ancien. Il semble avoir toujours existé.
Il comprend les épreuves classiques pour chevaux montés et chevaux
attelés, plus la voltige et le lancement du javelot.
- Les petits concours
Les petits concours étaient ouverts non à des candidats libres,
mais à certains citoyens désignés qui ne pouvaient fuir
leurs obligations. C'était en fait du domaine de la leitourgia, un
service public déterminé, imposé aux citoyens les plu
riches. Il s'agit d'un impôt au même titre que la triérarchie
(le citoyen désigné doit armer un bateau et le commander
après) ou la chorégie (entretien d'un chœur dramatique). On ne
peut s'y dérober que par antidosis.
La pyrrhique se disputait entre des chœurs dont le recrutement était
assuré par un chorège.
- La cérémonie religieuse
C'est à elle que tout aboutit. C'est elle qui est l'apogée et le
couronnement de la fête. Elle consiste en la remise à Athéna
d'un nouveau péplos, tissé par les arréphores. Tous
les deux ou quatre ans elles se mettaient à la tâche, mais avant la
fête, le jour des chalkeia, elles étaient aidées par
d'autres jeunes filles et surveillées par les inévitables
athlothètes.
C'était un péplos de laine jaune, décoré de
scènes représentant la lutte d'Athéna contre les
Géants. Figurait-il dans la procession ? La question a
évolué. Au temps de Phidias, au Ve siècle, la
cérémonie de la remise du péplos était
accomplie en secret, à l'intérieur du temple ? Par la suite,
il est vraisemblable que ce péplos était amené avec
la procession, au moins pour les Grandes Panathénées. Enfin,
à une époque plus tardive, le péplos prit dans la
procession une place prépondérante, placé sur un char en
forme de vaisseau avec un mât, une vergue, et il faisait la voile -
confusion avec les rites d'Isis.
Cependant la procession n'avait pas pour but de montrer le péplos, mais
de conduire solennellement à l'autel d'Athéna les victimes du
grand sacrifice qui allait couronner les Panathénées. Cette
procession partait du Céramique. On commençait au point du jour.
Les concours étaient terminés, la nuit s'était
passée à la clarté des torches. Au petit matin on partait.
La composition du cortège, même avec l'aide de la frise du
Parthénon, nous est mal connue. Figurent dans cette procession
toutes les autorités : archontes, stratèges, tamiai
(trésoriers de la déesse), prytanes,
des sacrificateurs,
des canéphores (porteuses de corbeilles)
les athlothètes,
les arréphores,
une délégation de métèques,
des hommes portant des bassins avec des objets divers,
des femmes porteuses d'ombrelles,
des vieillards porteurs de rameaux d'olivier,
les ambassadeurs étrangers,
les citoyens en armes,
hoplites, cavaliers, conducteurs de chars...
Il y avait plusieurs stations : sur l'agora, à
l'éleusinion, sur l'Acropole : deux sacrifices
préliminaires et limités, des consécrations d'offrandes.
Enfin venait le grand sacrifice sur l'autel d'Athéna. On immolait des
bœufs, des brebis ; la viande était alors partagée entre les
dèmes et l'on faisait ripaille.
Les Panathénées avaient duré dix jours.
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