III. L'Acropole
4. Le Parthénon
Le coeur du sanctuaire.
A. Ses ancêtres
Le premier sanctuaire d'Athéna Polias faisait partie du palais
mycénien et se trouvait dans la partie nord de l'Acropole. Nous
n'en savons à peu près rien. Deux temples se
remplacèrent par la suite. Le premier fut
l'hécatompedon, temple de cent pieds de long, soit 32
mètres 86. En 486 commença, sur le même emplacement,
la construction d'un nouveau temple. Les restes de l'édifice ont
été retrouvés sous le Parthénon
ultérieur et de très nombreux tambours de colonnes ont
été utilisés pour la construction du mur de
Thémistocle. Cet édifice était un temple dorique,
périptère, de 75 m 06 sur ?0 m 60
(32 m 12 ?). Un deuxième temple, plus vaste, fut
construit par les Pisistratides vers 529-520. Les Perses le
démolirent lors de la deuxième guerre médique, et
lui succéda une chapelle provisoire. Cimon, lorsqu'il
édifia le mur sud, renforça la terrasse, c'est tout ce
qu'il put faire.
B. L'oeuvre de Périclès
C'est vers 448 que Périclès proposa la construction d'un
édifice entièrement nouveau en utilisant les murs anciens
de fondation. En hommage à Athéna, rien de trop
beau : comme matériau, du marbre ; Ichtinos,
Callicratès, Phidias comme réalisateurs. En 447,
vraisemblablement à l'occasion des Panathénées, on
pose la première pierre. En 438, inauguration de la statue
d'Athéna. En 432-431, on achève les travaux.
Sa conception s'oppose à celle des Propylées, dont la
conception était essentiellement architecturale. Ici, le parti
architectural est subordonné à une idée de
sculpteur. Le père du Parthénon, c'est Phidias. Ce temple
a été fait en fonction de la statue
chryséléphantine d'Athéna dont il constitue
l'écrin somptueux. Pour cela, le sculpteur et l'architecte ont
travaillé ensemble jusqu'au parfait accord de l'édifice et
de la statue. Les deux représentent ensemble
l'épanouissement d'un idéal civique autant qu'artistique.
Il représente la communion dans la foi en la cité
glorieuse personnifiée par la déesse. Temple et statue
sont un hymne de ferveur et d'orgueil patriotique. Ils sont ensemble le
moyen, non d'adorer - les Grecs n'adorent pas - mais de signifier le
divin, c'est-à-dire de s'égaler à lui. Le
Parthénon, seul de tous les édifices, a été
construit d'un bloc, sans retouches : un jaillissement simple et
pur.
Plutarque admire « cette rapidité d'exécution
faite pour une si longue durée, cette beauté d'une oeuvre
qui, à peine achevée, sentait déjà
l'antique, cette fraîcheur qui, de nos jours encore, semble ne
dater que d'hier, tant y brille à jamais je ne sais quelle fleur
de jeunesse qui conserve à travers les âges un aspect
original. On dirait qu'il circule dans cet ouvrage un souffle toujours
nouveau, une âme qui ne saurait vieillir. »
C. La disposition architecturale
Architecturalement, le Parhénon est unique. Il n'est
réellement classable dans aucun style, encore que le dorique y
soit dominant. Selon les canons de l'architecture classique, le
Parthénon est une hérésie.
Le Parthénon mesure 69 m 51 de long, 30 m 86
de large, soit 5 m 55 de moins en longueur que l'ancien
temple, et 1 m 26 en largeur, ce qui est déjà
significatif.
C'est un naos périptère amphiprostyle octostyle : 8
colonnes doriques forment le portique de façade, et 17 forment
les portiques des côtés. Ces colonnes sont
étonnantes : 10 m 43 de haut, 1 m 90 en
moyenne de diamètre. Mais ce qui est le plus étonnant,
c'est leur galbe, leurs proportions solides sans être massives.
Elles ne sont pas réellement verticales, ce qui donne au temple
l'air de s'évaser vers le haut. Elles se rapprochent
légèrement. Le Parthénon est un tronc de pyramide.
Les quatre colonnes des angles sont plus rapprochées que les
autres et plus grosses, mais cela ne se voit pas. Elles reposent sur un
stylobate qui n'est pas rectiligne : le plan du stylobate n'est pas
horizontal. Les lignes de base du Parthénon sont des courbes. Ces
colonnes déterminent un péristyle. Le sékos
mesure 59 m 02 autrement dit les galeries de la face
antérieure et de la face postérieure ont en gros
5 m de large. En largeur, le sékos mesure
21 m 75, les galeries des grands côtés ont donc
une largeur de 4 m 50. Ce sékos lui-même
est amphiprostyle hexastyle et il est divisé en deux parties
étanches adossées l'une à l'autre et
précédées chacune d'un pronaos fermé
par des grilles de bronze. Notre temple n'a pas les trois parties
fonctionnelles typiques, il en a quatre. A l'est du mur étanche,
la cella, alias hecatompedos naos : cent pieds de long. Elle
est divisée en trois nefs par deux rangées de neuf
colonnes doriques. Au fond de la nef centrale se trouvait la statue de
la déesse. La partie ouest, profonde de 13 m 37, est
divisée en trois nefs par deux rangées de quatre colonnes
ioniques. La nef centrale est moins large. Cette partie semi-profane
était réservées au temporel de la déesse.
L'ensemble était recouvert en tuiles de marbre de Paros, avec des
acrotères, bien entendu.
Quatre points différencient le Parthénon du temple dorique
traditionnel :
- La façade est octostyle au lieu d'être hexastyle. Les
longs côtés ont 17 colonnes au lieu de 11, ce qui donne
à l'édifice plus d'ampleur et de majesté.
- Le plan du sékos est amphiprostyle hexastyle au lieu
d'être à antes avec deux colonnes médianes. Ce
sékos amphiprostyle est un emprunt à la
tradition ionique. Le pronaos et l'opisthodome sont beaucoup plus
clairs, beaucoup plus lumineux ; le rectangle de la
cella est plus spacieux.
- Le sékos au lieu des trois divisions canoniques en a
quatre et il est coupé en deux parties absolument
étanches.
- Le quatrième point est d'ordre sculptural : la frise se
développe tout autour du temple et il existe une frise
intérieure, la plus belle, qui est continue. C'est là
une idée de sculpteur, tout est conçu en fonction de
la statue. Le Parthénon est une hérésie qui n'a
pas fait crier. L'ensemble se fond en une remarquable harmonie.
D. L'oeuvre sculpturale
La statue d'Athéna
Le joyau de l'écrin. On ne la connaît que par des copies.
Ame de l'édifice, elle veut exprimer un idéal de
perfection, elle veut être le symbole de l'harmonie de l'univers.
Elle nous déroute ; nous n'adhérons pas à
elle. Elle est d'ivoire et d'or, ce qui l'alourdissait. Athéna,
vierge guerrière et pacifique, tout intelligence et toute
pureté. Elle est debout, et c'est un monument : 15
mètres de haut. L'Athéna de Phidias est vêtue d'une
longue tunique sans manches serrée à la taille. Sur ses
épaules, une égide en or repoussé, au milieu de
laquelle se détache en ivoire la tête de Gorgone.
L'avant-bras droit est appuyé sur une colonnette de marbre. La
main porte une statue de la victoire, d'or et d'ivoire elle aussi. La
main gauche, tendue au bout du bras, est appuyée sur le rebord du
bouclier autour duquel s'enroule le serpent. Le même bras retient
la lance appuyée sur l'épaule gauche. Le visage est
surmonté d'un casque orné d'un sphinx et de chevaux
ailés. Des bas-reliefs représentant la naissance de
Pandore ornent le piédestal de la statue.
La frise intérieure
Longue de 159 m 42, haute d'1 m, due à Phidias,
elle est continue et représente une double innovation : une
frise intérieure et qui substitue le monde de la
réalité contemporaine à celui des dieux et des
héros.
Elle représente la grande procession des grandes
Panathénées. Un véritable défilé, qui
commence à l'angle sud-ouest, se divise en deux bras qui se
réunissent sur la façade est où, devant les dieux,
on remettait à Athéna le péplos sacré. 350
personnages. 125 chevaux.
La frise extérieure
Les métopes, au nombre de 92, dont 58 seulement ont
échappé à la destruction, représentent sur
la façade principale, à l'est, le combat des dieux et des
géants, celle du sud, le combat des Lapithes et des centaures,
celles de l'ouest, une amazonomachie, et celles du nord, des
scènes de la guerre de Troie. Elles sont de valeur très
inégales et ne sont pas de Phidias.
Les frontons
Leurs sculptures se rapportent à l'histoire mythique de
l'Attique : à l'est, la naissance d'Athéna, entre la
montée du soleil et la disparition de la nuit ; à
l'ouest, la dispute d'Athéna et de Poséidon pour la
possession de l'Attique, de part et d'autre de l'olivier sacré
d'où s'envole une victoire. L'ensemble est remarquablement
équilibré, puissant et gracieux.
Le Parthénon témoigne de ce solstice que fut
l'Athènes de Périclès. Il veille au bord du
déclin, avec la mélancolie qui préside à
toute réussite humaine : la limite est là.
Après le Parthénon, le soir commence, et, comme l'on sait,
le soir commence à midi.