SKEPSIS A travers les oeuvres dramatiques émergent aussi certaines formes qui condensent vigoureusement, d'une manière qu'on n'a jamais revue, l'angoisse et les luttes de l'homme, ses échecs et ses réussites, ses grandes victoires ou ses lamentables défaites. Ces formes, bien qu'elles soient en rapport étroit avec les données d'une époque précise, réussissent à dépasser leur temps, prenant une valeur diachronique, puisque précisément la force poétique de leur créateur saisit, parmi l'éphémère et le périodique, les éléments éternels et permanents qui marquent ce qu'il y a de fondamental en l'homme. La tragédie commence là où finit l'intrigue du mythe, là où, sur le chemin du héros, se brise la boucle sanglante, pour que s'ouvre une route droite sans limite qui conduit à l'infini. La connaissance et la responsabilité transforment le personnage mythique en personnage tragique, c'est-à-dire libre, dans la mesure où ce n'est pas lui qui est choisi par la divinité, mais lui qui choisit son destin. Parmi les élémentsdécisifs de cette transformation on peut noter l'éducation, la connaissance scientifique, la vie sociale et le régime politique avec ses lois, tout ce qui compose la connaissance, relativise le pouvoir de la divinité et par conséquent met en action la responsabilité humaine. A la croyance (pistis) succède la persuasion (peithô), l'hybris est remplacée par l'autorité (ischus). Le héros va effleurer les limites, touchant d'une main l'ordre, et de l'autre l'excès, et cherchant une solution à l'insoluble. La nécessité, le hasard, le logos, le mesuré, mais aussi l'indéterminé, l'agressivité et l'amour cherchent leur place dans la solution d'un monde qui touche les mesures et abolit les mesures. LES OEUVRES TRAGIQUES 
Les tragédies puisent ordinairement leurs sujets dans les cycles
mythologiques les plus anciens. Bien que le noyau de base des arguments
soit connu, les spectateurs suivaient les représentations avec le
plus grand intérêt, fascinés qu'ils étaient
par la manière différente dont chaque poète
élaborait et interprétait l'épisode d'un mythe. A
travers les tragédies, les poètes expriment les recherches
de leur époque, ils traitent des grandes questions qui
préoccupent leurs concitoyens.Ce qui intéresse les poètes, ce n'est pas tant l'esquisse de caractères humains que la présentation des actes et des choix qu'accomplissent, dans des circonstances précises, les héros tragiques. Les héros tragiques sont issus de quelque famille importante et constituent des modèles pour les spectateurs. A travers l'intrigue de l'oeuvre, les héros sont appelés à prendre une décision et à agir dans une certaine direction. Leurs choix, que déterminent aussi bien leur caractère (èthos) que leur idéologie (dianoia), les mènent tantôt sur la bonne route, tantôt sur la mauvaise. Le héros tragique se trouve dans une position redoutable, issue de sa confrontation avec les forces divines qui limitent le monde, de péchés hérités de générations antérieures, de son impuissance à reconnaître la véritable identité des autres et la sienne, de sa perplexité lorsqu'il s'agit d'interpréter les conditions qui régissent le monde où il vit et se meut. A mesure que se déroule l'intrigue, le personnage tragique est conduit parmi les conflits, les alternances de joie et de peine, les surprises inattendues, vers la révélation de la véritable dimension des situations. La révélation de la vérité apporte la solution du drame, la délivrance ou la chute finale du héros tragique. Les aventures des héros tragiques suscitent l'implication compatissante des spectateurs. Les passions, les péripéties effroyables, l'anéantissement ou la libération des personnages du drame engendrent pour le public l'angoisse, la peur, l'adhésion, le soulagement.
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