A Brousse en Asie Mineure un pacha voulait un beau
sérail ; Hatzi-Vat le promoteur reçut l’ordre de
construire le palais. Il embaucha ouvriers et maçons et
prit son ami Kara-ghiôz comme contremaître. On dit que
Kara-ghiôz, simple charpentier mais très intelligent,
était d’origine grecque. Quand le pacha se rendit compte
que le travail n’avançait pas comme il le désirait,
il menaça de tuer Hatzi-Vat. Ce dernier prit peur et
raconta au pacha toute la vérité c’est
Kara-ghiôz le responsable qui, avec ses histoires drôles
fait rire tout le monde sur le chantier... ne pourrait-il lui
faire un peu peur ? Le pacha fit venir Kara-ghiôz et
lui dit que s’il recommençait, il le condamnerait à
mort mais Kara-ghiôz continua : en effet, comment aller
à l’encontre de sa nature ? Alors, le pacha
très en colère le mit à mort.
Le peuple se révolta ; cette mort était si
injuste ! Le pacha, afin d’apaiser ses sujets, fit construire
à Brousse un beau monument et y enterra Kara-ghiôz
avec tous les honneurs. Victime de son injustice cependant, le
pacha tomba grièvement malade. Les autres aghas, soucieux
d’amuser leur souverain, amenèrent Hatzi-Vat au
sérail et lui firent raconter les histoires drôles de
Kara-ghiôz. Un jour, Hatzi-Vat découpa une figurine
dans du carton, tendit une toile devant une lumière et fit
revivre l’ombre de Kara-ghiôz. Le pacha, ravi, lui accorda
la permission de jouer partout où il voulait...
Yannis Brahalis vit une de ces représentations à
Poli et apporta les ombres en Grèce, mais « c’est
Mimaros de Patras qui en a fait un art véritablement
grec », raconte Sotiris Spatharis dans ses
mémoires.
Niki Scoulatou
Karaghiozis, le grand voyage des ombres
Revue Autrement,
Série Monde, HS n° 39 - Mai 1989.