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I. Le Grec et ses dieux 2. Ouraniens et chthoniens
- Particularité des dieux grecs
Les Grecs ne niaient pas la divinisation des phénomènes de la
nature. On lui donnait même un nom : emphaneis theoi, les
divinités qui se manifestent.
Les astres ne pouvaient être que des dieux, mais ils restent sans contact
avec les hommes et n’interviennent pas dans leur vie. Ils n’ont donc pas besoin
de témoignages pieux.
Les dieux grecs avaient une forme humaine ; ils s’attachaient à un
lieu ou à une cité (divinités poliades). Les cités
considèrent leur religion comme l’expression même et le garant du
pacte social. Cette anthropomorphie explique dans une très large part le
développement de la structure. On adore un pieu qui d’informe est devenu
sculpté à l’image du dieu, c’est-à-dire à l’image de
l’homme.
Le nombre des dieux grecs est infini : grands dieux,
spécialisés ou non, petits dieux, dieux subalternes, demi-dieux,
dieux étrangers, orientaux surtout.
Les dieux grecs ne font preuve d’aucune exclusive jalouse. Ils n’exigent pas de
choses très strictes. Ils en conçoivent aucune amertume de
l’incrédulité des hommes. Les Grecs ne comprennent pas
l’attachement obstiné à une divinité. Cependant, la
législation protège les dieux de la cité, et le crime
d’impiété est passible de grandes peines. La religion
représente le patriotisme.
La personnalité de chaque dieu grec est extrêmement complexe. Il
n’y a pas de divinité monolithique. Les caractères de chaque dieu
sont quelquefois contradictoires. On peut cependant distinguer à
l’origine deux grandes catégories de dieux : les ouraniens et les
chthoniens.
- Les dieux ouraniens
Les dieux ouraniens sont les dieux du ciel. Ils prennent leur forme
définitive chez Homère. Ils siègent sur l’Olympe.
Pourtant le sommet de l’Olympe est terrestre, il est géographiquement
localisé. Mais son sommet, dans l’esprit des Grecs, justement parce qu’il
est très haut, appartient beaucoup plus au ciel qu’à la terre. Et
puis surtout, le terme ouranos est à rapprocher du terme
aithèr. Tous les auteurs grecs, quand ils qualifient
l’aithèr, le disent flamboyant, resplendissant ; le mot
exprime une idée de totale lumière. Aithèr est
différent de aer, l’air que nous respirons, brume et nuages. Or,
le climat du nord de la Grèce n’est pas méditerranéen. Le
sommet de l’Olympe disparaît dans les nuages. Son sommet est donc au-
dessus de l’aer, dans l’aithèr.
Zeus aithèrinaiôn commande une société assez
agitée et hiérarchisée, de type féodal, une
société divine qui est la réplique de la
société achéenne. Les grands vassaux ne se soumettent pas
toujours aux ordres du suzerain. Zeus et Arès, c’est Agamemnon et
Achille. Ils sont tous plus ou moins parents à l’intérieur d’un
système patriarcal. Ils sont bien d’ascendance nordique, apportés
par les envahisseurs indo-européens :les Hellènes, guerriers
pasteurs à organisation patriarcale, sans préoccupation agricole
autres que celle du pâturage et du troupeau. La terre pour eux ne
représente pas cet attachement affectif qu’éprouve pour elle le
sédentaire, et le pasteur n’inhume pas ses morts, il les incinère.
Ce sont les urnes contenant les cendres qu’il transporte avec lui.
Ces dieux n’étaient pas faits pour la ferveur religieuse. Ils n’avaient
pas de signification religieuse. Quand un mortel prétend se rapprocher
d’eux, alors, il est puni. L’homme est démuni devant ces dieux-là.
Pourtant, les dieux peuvent venir sur la terre. On peut faire des marchés
avec eux. Mais ils trichent.
Les dieux ouraniens n’apportent à l’homme aucune expérience. Ils
ont conservé, au moins officiellement, leur influence bien des
siècles après la disparition des sociétés qui les
ont créés, grâce aux poèmes homériques, o
biblos, le livre par excellence. Mais ils ne représentent plus qu’une
valeur humaine. Ils ne servent plus qu’à maintenir l’unité de la
cité. L’émotion tient plus au sentiment patriotique qu’à la
ferveur religieuse. Quand les dieux perdront leur influence, la cité sera
dépassée par une autre forme politique : celle de
l’état.
- Les dieux chthoniens
Dieux de la terre, dieux souterrains sont les dieux chthoniens. La terre joue
auprès des hommes un double rôle. Par sa fertilité, elle les
nourrit. Elle les reçoit dans son sein quand ils sont morts. Les
chthoniens ont donc deux fonctions qui les font intervenir dans la vie des
hommes : ils assurent la richesse du sol et ils règnent sur le
royaume des morts.
Ils sont symbolisés par des animaux du sol ou des cavernes. Alors que les
ouraniens sont symbolisés par des oiseaux, le cygne, le paon, l’aigle,
les chthoniens ont pour symboles la chouette ou le serpent.
Ils sont étroitement localisés et très nombreux. Ils
comprennent des divinités ordinaires, mais aussi des génies, des
héros, et surtout, leur chef de file est une divinité
féminine : la terre-mère. Les autres divinités sont
aussi des femmes : le symbole de tous les dieux chthoniens est la
fécondité. Eux sont d’ascendance méridionale. Ce sont les
divinités des sociétés pré-helléniques,
sédentaires, agriculteurs cultivant le blé. Bien plus, toutes ces
sociétés sont fondées sur le matriarcat.
Les divinités chthoniennes n’étaient pas éternelles :
elles naissaient et elles mouraient. Elles ressuscitaient ensuite, mais elles
mouraient quand même, comme la graine enterrée qui donne naissance
à une moisson future.
Il y avait dans le culte des aspects mystiques. Il y avait union entre le
fidèle et l’objet de sa dévotion, avec des
cérémonies d’initiation entourées de mystère, de
ferveur et d’obscurité. Non seulement on s’assimilait à la
divinité, mais on croyait que l’on renaîtrait après la nuit.
La promesse d’un salut pour les seuls initiés faisait que l’on initiait
le plus possible de fidèles.
- Oppositions de cérémonial
Ouraniens |
Chthoniens |
Le verbe " sacrifier " est le verbe thuein. |
Le verbe " sacrifier " est le verbe enagizein. |
La victime est blanche. |
La victime est sombre. |
La victime est un bovin. |
La victime est un bélier ou un porc. |
On sacrifie la victime gorge tournée vers le ciel et on la brûle. La fumée monte. |
On sacrifie la victime gorge tournée vers la terre. Le sang coule. |
On sacrifie sur un autel surélevé. |
On sacrifie au-dessus d’une fosse. |
Les cérémonies ont lieu le jour, de préférence le matin. |
Les cérémonies ont lieu la nuit. |
Le lieu de culte est un temple classique, naos. |
Le lieu de culte est un adyton souterrain. |
On prie main levée, paume vers le ciel. |
On prie main baissée, paume vers le sol. |
- Contacts entre ouraniens et chthoniens
Il y a plusieurs façons pour ces divinités d’entrer en contact.
L’une d’elle est le combat. Dans la lutte entre les ouraniens et les chthoniens,
les ouraniens finissent par l’emporter. Les Titans, fils de la terre, sont
foudroyés par Zeus. Apollon tue le serpent Python. Mais ces combats ne se
traduisent généralement pas par l’annihilation totale du culte
antérieur.
Le second type de contact est l’union conjugale, l’hiérogamie, le
mariage sacré. On assiste ainsi à l’hiérogamie du ciel et
de la terre, dont la pluie est l’élément fécondant.
Le ciel sacré sent le désir de pénétrer la Terre, un
désir prend la Terre de jouir de l’hymen : la pluie, du Ciel
époux, descend comme un baiser vers la Terre, et la voilà qui
enfante aux mortels les troupeaux qui vont paissant et le fruit de vie de
Déméter, cependant que la frondaison printanière
s’achève sous la rosée de l’hymen.
Eschyle, Les Danaïdes, frag.
Noces cosmiques, hiérogamies encore, toutes les aventures galantes de
Zeus.
Les hiérogamies, dans les cérémonies d’initiation,
pouvaient être accomplies véritablement ou symboliquement, parfois
par l’archonte-roi dont la fécondité était signe de
prospérité pour la communauté.
Certains éléments ouraniens et chthoniens se fondent dans la
personnalité d’un seul et même dieu, le tout d’un dieu étant
supérieur à la somme des parties ouraniennes et chthoniennes. Pour
l’Athénien moyen, le dieu est cohérent et non pas fait de
pièces et de morceaux.
Dans le domaine psychologique, on retrouve cette même opposition, le
côté ouranien représentant la logique
dépouillée, la raison froide, et le côté chthonien,
le côté plus sensuellement émotif, plus sentimental.
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