L'HELLÉNISME SOUS LA DOMINATION OTTOMANE
C. Société et idéologie. Les orientations de la bourgeoisie grecque
2. Composition de la société à la veille de 1821
En raison des nouvelles conditions économiques (développement
du commerce, succès de la navigation marchande, activité
artisanale etc.) dont il a été question
précédemment, à la fin du XVIIIe s. et au début
du XIXe, la société grecque asservie changea de forme et de
caractère. Les principaux points de ce changement furent la diminution de
la population exclusivement agricole et l'apparition et l'affirmation de la
bourgeoisie.
Certes, la population grecque, dans sa grande majorité, demeurait
agricole, ce qui d'ailleurs était le cas des autres pays
développés d'Europe occidentale, mais elle n'était plus
agricole dans sa totalité. Le développement du commerce et des
autres activités économiques non agricoles attira une part
importante de la population vers ces activités. Les bourgeois
étaient tous ceux qui se livraient à ces nouvelles
activités économiques (commerce, transports, finance etc.) ou aux
activités anciennes dont le produit alimentait le commerce
extérieur (artisanat, production agricole).
Ainsi, à la veille de 1821, c'est-à-dire au début du
XIXe s., la société grecque ne ressemblait guère
à celle des premiers siècles de l'occupation turque, parce que ces
nouvelles activités économiques ne concernaient pas seulement la
bourgeoisie, mais diversifiaient aussi dans une certaine mesure les autres
groupes sociaux, si bien qu'on trouve maintenant trois grands groupes
sociaux :
L'aristocratie administrative, représentée par le
haut-clergé, les Phanariotes, ceux qui détenaient des fonctions
dans le mécanisme de l'état turc, ainsi que certains notables qui
étaient exclusivement de grands propriétaires terriens.
La bourgeoisie qui, comme on l'a vu, comprenait tous ceux qui
vivaient du commerce, de la marine marchande et de l'artisanat (parfois des
propriétaires-marchands), mais aussi des Phanariotes, des notables et
autres, qui étaient commerçants, armateurs ou financiers.
Le peuple, composé de petits propriétaires, petits
cultivateurs, journaliers, membres du bas-clergé, et tous les
travailleurs à petit salaire et de condition modeste.
Il faut noter que le peuple, au début du XIXe s.,
représentait plus de 70 % de la population grecque, et qu'une
proportion importante des bourgeois étaient installés dans
des villes d'Europe (à l'intérieur de communautés
grecques), c'est-à-dire n'étaient pas soumis aux Turcs.
Cependant, la caractéristique principale de na nouvelle
société grecque de cette époque était que la
bourgeoisie, à part l'argent qu'elle avait acquis, n'avait pas
réussi à obtenir de pouvoir administratif. La plus grande partie
de l'administration dans la zone de l'hellénisme asservi continuait de se
trouver aux mains de l'aristocratie administrative, à ceci près
que le rôle principal n'y était plus tenu par le haut-
clergé, mais par les Phanariotes et quelques grandes familles de
notables.
Enfin, il faut savoir que les bourgeois grecs qui étaient
installés dans les villes des Balkans avaient entre leurs mains les
principales entreprises commerciales et contribuèrent au
développement économique de toute la région.
Témoignage
- Les paysans, la classe la plus respectable d'un état, la plus solide
colonne du bonheur social, mène une vie pire que celle des bêtes.
Assutément, le riche Ottoman nourrit ses chevaux d'une nourriture bien
meilleure que celles qui gardent en vie dans la peine le campagnard innocent et
juste... Leur ordinaire se compose d'herbes sauvages, de pain d'orge, et ce
n'est que deux ou trois fois l'an qu'ils mangent de la viande.
- Les ouvriers travaillent presque dix-huit heures par jour et ne peuvent
jamais subvenir à leurs besoins essentiels.
- Les marchands paient de lourds impôts, ils subissent les plus graves
dégâts dans les maisons des pires Albanais... Souvent, le destin
s'acharne sur eux dans leurs entreprises commerciales et beaucoup meurent en
prison.
- Vous avez vu comme les marins de notre peuple, tout illettrés
qu'ils sont, voyagent avec la plus grande aisance sur toutes les mers, et
surtout ils fabriquent seuls les navires les plus beaux et les plus rapides.
Remarques d'un écrivain grec anonyme sur les groupes
et les classes de la société grecque du début du
XIXe s. |
3. Les termes des Lumières Néo-grecques
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