L'HELLÉNISME SOUS LA DOMINATION OTTOMANE
B. Au XVIIIe s. : L'hellénisme asservi change de situation
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Un marchand fait ses comptes. Le développement du
commerce grec changea les conditions de vie des Grecs et prépara le
terrain pour le développement de l'éducation et de la conscience
nationale. |
1. Organisation de l'économie et changements avec le développement du commerce
L'occupation turque a provoqué la cessation de toute activité
commerciale et de toute marche vers le développement de l'artisanat parce
que les conquérants étaient organisés, du point de vue
économique et social, selon le système féodal. Ainsi,
pendant deux siècles et demi ou trois, l'économie des
régions grecques fut presque exclusivement agricole, et l'artisanat se
limitait à la production des outils nécessaires à chaque
région pour l'agriculture et d'autres articles d'usage courant. La
production agricole elle-même devait subvenir aux besoins des
propriétaires de la terre et créer un surplus pour le paiement des
impôts, puisque la plupart des besoins en vêtements, objets
domestiques etc. étaient couverts par la fabrication artisanale au niveau
familial.
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Scène caractéristique qui montre les
relations économiques et sociales sous la turcocratie : le seigneur
propriétaire terrien dans sa demeure (konaki) et ses
subordonnés: travaux agricoles, domestiques et artisanaux. |
Ces raisons, ainsi que la diminution de la population dans les
premiers siècles de la turcocratie, apportèrent aussi une
diminution des surfaces cultivées, ainsi qu'une diminution de la
production. Naturellement, les terres les plus nombreuses et les plus
fertiles appartenaient aux Turcs : les Grecs étaient, au moins
jusqu'au début du XVIIIe siècle, soit de petits
propriétaires, soit des cultivateurs libres, soit des serfs.
Au début du XVIIIe siècle, se manifeste une
modification très importante de l'économie des
régions grecques dont les principales caractéristiques
sont les suivantes :
Les pays européens commencèrent à chercher de
nouveaux marchés pour vendre leurs produits, et ceux de leurs colonies,
et pour acheter des produits étrangers. Ainsi des marchands
européens commencèrent à s'installe et à fonder des
consulats. Les Européens achetaient des produits agricoles
(céréales, huile, laine, coton, raisins secs etc.) et vendaient
principalement des tissus et d'autres produits de leur industrie ainsi que des
produits coloniaux (sucre, café, épices etc.).
Les échanges commerciaux dans les régions grecques
étaient en constante augmentation et se formèrent de grands ports
et de grandes villes où les activités économiques
étaient surtout commerciales. On peut citer les villes de Thessalonique,
Ioannina, Larissa, Chio, Hydra, Zacynthe, Mistra, Tripoli etc.
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Avec l'essor du commerce et de l'artisanat dans les pays
grecs, se développent aussi des villes dont la population augmente en
même temps que le rôle des métiers et des activités
urbaines. La carte montre les villes grecques à la fin du XVIIIe et au
début du XXe siècle. |
Avec l'essor du commerce, qui absorbait des quantités de plus en
plus importantes de marchandises, la production augmenta, afin d'offrir le
surplus au commerce, c'est-à-dire qu'on vit augmenter les surfaces
cultivées et créer de nouvelles et importantes unités de
production artisanales. En même temps, la monnaie se
généralisait comme moyen d'échange - dans les
époques antérieures, une partie importante des échanges sur
le petit marché intérieur se faisait par troc - et cela aussi
contribua au développement du marché intérieur.
A partir de la deuxième moitié du XVIIIe
siècle, commencèrent à se développer dans les
régions grecques l'artisanat et l'industrie qui devaient répondre
aux besoins croissants du commerce, de la marine et de la consommation urbaine.
La carte montre les principales activités artisanales et industrielles et
les régions où elles se sont développées. |
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A cause du développement du commerce, la richesse se
concentra dans les régions grecques, et ce furent surtout les Grecs qui
en profitèrent, parce que les Turcs s'attachaient davantage à
percevoir des impôts qu'à participer aux échanges
commerciaux.
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L'activité du port de Chio au XVIIIe s. :
chargement d'un gros navire de commerce ; les marchandises sont
transbordées grâce à des embarcations plus petites. |
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Un navire marchand grec au début du XIXe siècle. |
La puissance de la marine marchande grecque au début du
XIXe s. d'après l'estimation d'un consul français |
Un élément important pour l'hellénisme fut la
création et le développement de la marine marchande
grecque. Elle avait commencé à se former vers le début du
XVIIIe siècle pour atteindre en une cinquantaine d'années une
prospérité inégalée. Sa création était
due à l'essor des échanges commerciaux et à
l'enrichissement de certains Grecs, ainsi qu'au besoin important qui
s'était fait jour de moyens de transport pour les marchandises, et son
apogée était dû aux guerres napoléoniennes : les
armateurs et les marchands grecs prirent en main le commerce des
céréales parce qu'ils n'avaient pas de concurrents, et
alimentèrent les marchés bloqués de l'Europe, avec de gros
bénéfices. Naturellement, la fin des guerres napoléoniennes
vit un fléchissement de la marine marchande grecque (après
1815).
Les principales colonies grecques d'Europe à
l'époque de la turcocratie. |
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Ce fut aussi un moment de grande prospérité
économique pour les communautés grecques d'Europe. Elles
étaient nombreuses et très peuplées et les Grecs qui les
composaient développèrent une importante activité
économique et établirent des rapports avec les maisons de commerce
des régions asservies, au point de devenir des acteurs économiques
importants et de l'hellénisme, et du lieu où ils habitaient.
L'essor du commerce grec, de la marine et de l'artisanat eut des
conséquences très importanes pour la vie des Grecs et
provoqua des changements importants dans leur économie, leur
société et leur pensée.
Témoignage
Les marins se levaient dès l'aube et après la prière ils
nettoyaient bien le navire, intérieurement et extérieurement ;
après quoi ils prenaient un verre de raki, suivi de peu par le petit
déjeuner. Les tables étaient servies pour trois et au
déjeuner on leur donnait du fromage, des sardines et un verre de vin
chacun ; au déjeuner, des poissons, de la viande en salaison et trois
verres de vin. Le dîner ressemblait au petit déjeuner. Mais la
table du capitaine était composée de volailles et d'animaux
embarqués. Seul le secrétaire de bord y prenait part, alors que le
maître d'équipage mangeait dans la cambuse même. Les mousses
mangeaient les derniers, car ils étaient debout pendant tout le repas
pour servir.
Extrait de La Vie des Marins décrite par
G. D. Kriézis, armateur à Hydra. |
2. Société dominante et société asservie :les conditions de vie
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