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L'HELLÉNISME SOUS LA DOMINATION OTTOMANE

A. Catastrophes, obscurité et premiers soubresauts :
les limites de l'extension turque et de l'opposition grecque (XVe-XVIIe s.)

3. Foi et résistance : premières cellules de regroupement national : organisation de l'hellénisme asservi.

A partir du XIe siècle, l'hellénisme byzantin avait commencé à créer une tradition populaire avec la chanson populaire qui forma une conscience nationale populaire assez indépendante de l'idéologie officielle, c'est-à-dire de celle du pouvoir, et es couches sociales supérieures. C'était une tradition d'une grande valeur, car, lorsque le pouvoir fut dissous avec l'occupation turque, et que les classes sociales les plus élevées cessèrent d'avoir cette identité et de pouvoir imposer leur idéologie, la conscience populaire-nationale-religieuse nourrit l'opposition de l'hellénisme au conquérant d'une autre religion. Certes, avec la conquête turque, l'élément le plus important du regroupement national était la foi. Dans les moments difficiles pour l'hellénisme, la foi chrétienne et l'église contribuèrent à un degré important au regroupement national. La « désolation » qui suivit la conquête des régions grecques considéra la perte de la liberté comme un grand dommage pour la foi et pour la religion.

 

Témoignage

A partir de Constantinople, tous les cinq ans, ils sortaient cinq cents hommes appelés les Turcs Janissaires (...) ils se répartissent dans toute la ville par groupes de quinze. Ils vont de ville en ville et rassemblent les enfants et les emportent dans la première ville et là ils s’arrêtent et les choisissent un par un, quiconque est d’un bel aspect et d’une bravoure valeureuse (...) et ils les prennent et se rendent à Constantinople. Mettez-vous dans l’esprit combien de mères se déchirent les joues et combien de pères se frappent la poitrine à coups de pierre et quel deuil ont ces chrétiens pour leurs enfants, comment ils sont déchirés vivants et combien de mères disaient qu’elles préféreraient qu’ils meurent et qu’elles les enterrent dans notre église plutôt que de les remettre aux Turcs pour qu’ils les emmènent afin de les turciser et les sortir de leur foi chrétienne.

Une description du paidomazoma (conscription des jeunes Grecs dans l'armée turque) ; cette menace permanente fut une catastrophe lors des deux premiers siècles de la turcocratie (il cessa en 1732) qui provoqua désolation et lamentation.

 

Ainsi, le centre de la religion chrétienne, le Patriarcat, devint aussi le centre national, puisque la religion et le fondement national s'étaient identifiés dans la conscience de l'hellénisme asservi. Il n'y avait pas (dans la conscience du peuple) des Grecs et des Turcs, mais des chrétiens et des musulmans.

 

Alexandros Mavrocordatos (Cliquer pour agrandir) Alexandros Mavrocordatos (1636-1709) devint grand interprète : c'était un poste très important du pouvoir turc, puisque le grand interprète faisait partie du gouvernement (le Divan). Alexandros Mavrocordatos était un des premiers phanariotes qui occupèrent des positions élevées dans l'administration turque à partir du XVIIe siècle, inaugurant une nouvelle présence de l'hellénisme dans le cadre de l'organisation étatique ottomane.

C'est à partir du Patriarcat qu'a commencé, lentement mais sûrement, l'organisation de l'hellénisme asservi. Là s'étaient regroupés, dans le quartier du Phanar à Constantinople, où se trouvait le Patriarcat, un grand nombre d'anciens chefs byzantins, qui n'avaient pas fui vers l'Ouest, et c'est là qu'a commencé à se dessiner le groupe social des chefs, connus sons le nom de Phanariotes. De l'intérieur du Patriarcat, qui avait également des compétences judiciaires dans certains des différends des Grecs (tribunaux ecclésiastiques), proviennent les premiers espoirs grecs d'une protection contre l'arbitraire des Turcs, d'un arrêt du paidomazoma, pour protéger le droit des asservis à vivre ; c'est de ce groupe social des Phanariotes que sont issues les premières activités commerciales, l'éducation, et surtout l'accès au mécanisme d'état turc. Un enjeu important pour la survie de l'hellénisme et la conservation de leur identité nationale était constitué par les communautés ; il s'agit d'une institution qui existait à l'époque byzantine. Les Turcs n'ont pas supprimé cette institution parce qu'elle leur rendait service dans la collecte des impôts : chaque village grec ou chaque communauté grecque dans les campagnes et dans les villes de peuplement mixte devait payer un impôt annuel dont le montant total était fixé à l'avance : sa répartition entre les habitants était une question interne à la communauté. Compte tenu de cette nécessité, les Turcs avaient intérêt à voir des communautés bien organisées. Les Grecs avaient ainsi la possibilité de résoudre bon nombre de leurs problèmes sans l'intervention de l'envahisseur et surtout de s'organiser en tant que groupe ethnico-religieux. A la tête des communautés grecques il y avait des démogérontes, les plus riches du lieu, qui étaient choisis parmi les gens aisés d'un même lieu. Bientôt ces chefs de communautés acquirent un grand pouvoir et constituèrent un groupe social puissant, comme nous le verrons au chapitre suivant.

Le démogéronte de Livadia Ioannis Logothétis - les démogérontes étaient également appelés notables ou échevins (kotzabasis) - A la fin de la turcocratie, les démogérontes avaient acquis une grande puissance économique et sociale et constituaient un groupe social particulier, l'aristocratie administrative dont les membres avaient des compétences administratives et politiques importantes. Ioannis Logothetis, démogéronte (Cliquer pour agrandir)

 

4. Tradition culturelle populaire et première renaissance culturelle.