LE FAUTEUIL DU GEANT
Polyphème est aveugle et on doit l'aider, mais
surtout, il est tellement grand que pour pouvoir l'animer convenablement, on a
besoin d'un espace pratique dans lequel on peut bien se cacher, comme sous un
fauteuil.
Peut-être que Polyphème est fatigué, alors on va l'asseoir.
Un fauteuil grand et vert, de ce vert délavé des vieux fauteuils,
vieux comme Polyphème.
Le géant a la couleur de la terre.
Sa terre, c'est la Sicile et sa voix nous la rappelle.
Il en a seulement le souvenir parce qu'ayant été aveuglé
par Personne, que pouvait-il faire tout seul, dans une caverne, en
Sicile ?... Et c'est ainsi que le géant a trouvé un petit
bonhomme qui lui donne du lait s'il a faim, du vin s'il est triste et un petit
agneau pour jouer ; et lui, pour le contenter, il doit seulement se montrer
au public des "petits bonshommes".
Et c'est peut-être justement pour cela que Polyphème n'arrive
toujours pas, après plus de mille ans, à oublier le jour qui a
changé sa vie : le jour où Personne l'aveugla.
Maurizio Bercini
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