CLYTEMNESTRE
la reine
Le nom Clytemnestre, ou Clytemestre, est en
rapport avec kleos (la gloire), l'adjectif klytos,
(célèbre, royal), et avec mestor (sage, plein
d'expérience), du verbe medomai (penser, conspirer,
méditer des desseins meurtriers), d'où dérive aussi
le nom Médée.
Son nom décrit son destin, car elle devait être reine,
épouse du roi des rois dans la guerre de Troie, épouse
d'Agamemnon de la maison d'Atrée «de feu et de
silence».
Fille de Léda, elle est soeur jumelle d'Hélène,
quoique d'un père mortel, l'autocratique Tyndare, qui l'obligea
à épouser Agamemnon, meurtrier de son premier mari
et aussi de son enfant.
La vieille haine renaît avec le sacrifice d'Iphigénie.
Au cours des dix années qui suivirent, jusqu'au retour des
Achéens, Clytemnestre se coiîtra dans son palais,
tissant le filet de la vengeance.
Capable, résolue, toute-puissante dans sa perspicacité,
elle n'attendit pas le retour d'Agamemnon ou d'un successeur
pour entrer dans sa maison, mais se fraya seule le chemin
de la scène et se fit reine.
Le personnage de Clytemnestre est le seul du mythe à
conserver intact son caractère humain, sans recourir
à des pouvoirs divins ou magiques.
Clytemnestre est mue par sa propre volonté et agit
dans le cadre de la loi de la vengeance, refusant d'admettre que
son crime sera sans doute puni. Elle refuse d'invoquer comme alibi
les exigences des dieux.
Sa force lui permet d'accepter pleinement la responsabilité de la
transgression de bien des normes établies, à laquelle
l'ont conduite ses actions : normes politiques, puisqu'elle prend
en ses propres mains le pouvoir et l'autorité, normes sociales,
puisqu'elle attente aux règles de la modestie et de l'honneur
quand elle prend Egisthe pour consort, et enfin, normes du code moral
fondamental, non seulement parce qu'elle a assassiné son mari,
mais parce qu'elle l'a assassiné de sang froid, après des
années de préparation. Le filet où elle a pris sa
proie, elle l'a tissé nuit et jour, mensonges et fourberies
aidant, avec ruse et avec méthode.
Devant la choeur qui lui propose en vain l'adoucissement de l'ivresse,
Clytemnestre, avec force et vigueur, révèle
son visage. Un visage qui parle, non un visage muet. Le visage d'une
femme qui tient son sort entre ses mains. Sous la forme d'une hache.
Sous la forme d'un sceptre.
"Vous voulez m'éprouver, vous me prenez pour une femme
inconsidérée. Or je vous dis, moi, vous devez le savoir,
que mon coeur ne tremble pas, et que vos critiques comme vos louanges me
laissent indifférente. Voilà Agamemnon, mon époux,
et son cadavre est l'oeuvre de ma main, ouvrière d'une juste
vengeance. Voilà ce que j'ai à vous dire."
Eschyle, Agamemnon 1401-1406
(Trad. Emile Chambry)