Les femmes - Images du mytheLes femmes dans la mythologie grecque, et par extension dans l'art et la poésie épique ou tragique grecs, jouent des premiers rôles d'une grande importance, chargés de significations profondes. A l'inverse, la position de la femme dans la société, du moins aux temps historiques, ne semble pas correspondre à celle qu'occupent les figures féminines, brillantes et marquantes, de la légende. Une telle contradiction, bien qu'il soit difficile aujourd'hui de le comprendre, est sans doute le reflet de nécessités profondes qui ont abouti à la création de personnages où se trouvent concentrées un grand nombre de caractéristiques féminines, différentes, autres, auxquelles on a donné leur expression suprême au niveau symbolique. La mythologie grecque diffère des autres systèmes contemporains principalement en ceci : l'esprit et l'Intellect émergent, tout-puissants, du monde fantastique du mythe. Les Grecs n'étaient pas dévoués à leurs mythes avec la foi aveugle exigée par les religions orientales. Ils les tiennent exactement pour ce qu'ils sont : symbolisme et allégorie. De même, le coeur du mythe, pour chaque personnage féminin, contient une valeur symbolique particulière qui fait de chaque cas une figure unique, mais en même temps, établit des relations entre tous ces personnages, ainsi qu'avec les femmes de la réalité vivante. Tel est le fil rouge qui guide les femmes prisonnières du labyrinthe existentiel et social, qui les aide à sortir vers la lumière du jour, à s'échapper. Pour ces femmes, le châtiment précède le crime, puisque leur condamnation originelle est due à leur nature féminine, qui mène, sinon au rejet, du moins à la mise en question de leur rôle social : leur valeur ne consiste qu'à offrir aux hommes une inspiration pour leurs exploits héroïques, la certitude de la fidélité conjugale, et leur beauté physique. Par leur essence même, elles sont condamnées à une vie d'inactivité et de silence. Le fil rouge qui guide les femmes dans leur sortie de prison est l'Action et la Raison. C'est une réaction contre la défaite qu'elles subissent, une action incarnant un idéal d'honneur, un amour sans espoir, une vision de la société qui entre en conflit avec l'ordre établi. Elles s'offrent elles-mêmes dans un sacrifice qui contient un choix subjectif, qui est contraint de transgresser les limites admises. Elles se consacrent à une obsession, marchent vers le but qu'elles se sont fixé, se transcendent elles-mêmes, transcendent leur position, et par là, le contexte culturel qui leur a donné naissance. Personnages réels, légendaires ou mythiques, ces lumineuses figures de femmes - sorcières, reines, prêtresses, poétesses - suscitaient l'admiration et la peur non pour leur sexualité dangereuse - comme on le voit couramment dans d'autres systèmes mythologiques - mais pour la puissance et la compétence de leurs esprits. Tous ces êtres redoutables, qui se cognent les ailes comme des oiseaux agités par la terreur et la colère, contre les murs du mythe, refusaient de demeurer inertes, passives et soumises en face de l'injustice qui leur était faite, mais se servaient, pour se venger, de la supériorité de leur pouvoir intellectuel. Par le meurtre, le suicide, l'infanticide - un double suicide pour la femme-mère - les femmes du mythe recouvrent leur voix. Une fois de plus. Leur voix, elle nous a atteints par la bouche des poètes, les hommes qui chantaient leurs louanges, les censuraient, les haïssaient et les aimaient. Les poètes, des hommes, leur accordaient la parole tant qu'elles demeuraient des images, des allégories confuses et des figures imaginaires, tout en muselant les femmes véritables qui vivaient à leurs côtés. Il y a peu d'exceptions à cette règle, et seule une voix, celle de Sapho, brise la barrière du temps, dans sa lutte contre l'oubli et l'anonymat.
avec des émotions passionnées.' (Zoé Karelli, Le dernier chant de Sapho) Femmes suspendues entre mythe et histoire, lambeaux de femmes qui vécurent façonnèrent et furent façonnées, qui, serrées l'une contre l'autre, s'agrippaient au fil d'Ariane. Dans la couleur du sang, du meurtre, du sacrifice et de l'amour. La raison et les Actions qu'elles ont osées, transmettent leur image à travers les siècles. Dans leurs miroirs brisés, les femmes de tous les temps retrouvent sans cesse des fragments de leur propre forme.
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De Medée à Sapho - Femmes rebelles de la Grèce Antique Athènes, Musée Archéologique National - 20 Mars - 30 Juin 1995 |