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la femme





La transformation du personnage d'Hélène d'une figure divine à une figure héroïque est un exemple typique du fonctionnement de la mythologie grecque. A mesure qu'évolue dans le temps le personnage d'Hélène, il s'accompagne de références à des traits associés à la déesse de la végétation, ainsi qu'à des capacités magiques particulières.

Dans les descriptions d'elle les plus anciennes, elle est représentée entre deux figures masculines - ses frères Castor et Pollux, qui lui tiennent les mains. Le symbolisme de ces scènes pourrait se référer aussi bien au thème de la déesse de la nature entre ses acolytes, compte tenu de la relation entre les Dioscures et les cultes chthoniens, qu'au mythe de l'enlèvement et de la libération de l'héroïne.

Les origines mythologiques d'Hélène, fille de Zeus et de Léda ou Némésis, proviennent aussi des racines divines de son personnage, et l'épisode de sa naissance à partir d'un oeuf trouve des équivalences dans le mythe d'Aphrodite, d'Athéna et d'Héphaïstos, tous trois venus au monde sans maternité. L'Hélène des poèmes épiques possède des caractéristiques étroitement associées à celles des sorcières. Outre sa beauté surnaturelle, qui symbolise probablement la beauté féminine, Hélène concocte des potions magiques, utilisant la plante nommée helenium pour préparer la nepenthe, une boisson qui apporte l'oubli des chagrins, qui soulage la douleur et la peine de ses convives.

Hélène possède la capacité typique des sorcières de changer sa voix, d'imiter des femmes qu'elle n'a jamais rencontrées, et elle connaît également ce que l'oeil humain n'a jamais vu. En ce sens, bien que la déesse déchue puisse bien être un symbole du peu d'estime en laquelle était tenue la femme (en tant que possession et butin du ravisseur étranger), elle devient au contraire une pomme de discorde, autour de laquelle se tisse une guerre d'une importance primordiale : c'est pour elle que les chefs Achéens se rassemblèrent et formèrent une alliance pour la toute première fois. Loin d'être un objet qu'on achète, qu'on vend et qu'on échange, un objet de corruption, elle devient l'incarnation d'une idée, le moyen par lequel se réalise une grande aventure nationale.

Les cinq époux qu'elle prit successivement dans son lit, Thésée, Ménélas, Pâris, Deiphobos et Achille furent tous choisis par elle. Elle les choisit entre la foule des hommes qui se battaient pour sa conquête, parce qu'ils étaient, pour elle, les meilleurs. Des poèmes Homériques et des Cypria, qui la présentent comme victime de sa beauté, un appât dans le filet de la déesse de l'amour, jusqu'à Hésiode et Eschyle, qui lui attribuent la responsabilité d'actes sacrilèges, Hélène conserve l'auréole d'une "pureté" surnaturelle, issue de sa beauté, une beauté qui existe à un niveau idéal. Chez Euripide, c'est une femme dangereuse, toujours source d'ennuis, mais jamais conduite à être jugées pour ses actes. Mélénas est à ses côtés un mari caricatural, cible de la dérision des hommes, incapable de a garder, ni même de se venger de son infidélité.

Dans les scènes où Ménélas est peint l'épée à la main, comme un guerrier en panoplie complète, formidable et prêt à pourfendre l'amant, Hélène est représentée comme totalement invulnérable, éthérée, impavide, armée de sa seule beauté.

    "D'abord, je pense, vint à Ilion l'esprit du calme imperturbable, un délicat ornement de richesse, une lanceuse de doux regards, la fleur de l'amour."

    Eschyle, Agamemnon, 736-743

Elle est l'idée de la femme, l'idée de la beauté et de l'amour, elle n'a pas de caractéristique particulière, ni de forme déterminée. Car elle est un vase vide, destinée à être remplie des rêves et des fantaisies de chaque homme en tant qu'individu, et de tous les hommes ensemble.

    "Avec son sein profond, le soleil dans ses cheveux
    et sa stature
    ombres et rires partout
    sur ses épaules, ses cuisses, ses genoux."
       G. Séféris, Journal de bord III, Hélène.

Hélène est désir

    "mais tu vis dans le son de mon chant
    tu es mon souhait, mon désir
    ma faim et ma soif sont toi, Hélène
    Tu es tout, Hélène..."
       Aris Diktaios, Poèmes, 1934-1965, Hélène.

Hélène est prière

    "La première goutte de pluie tua l'été
    Trempa tous les mots apportés par les nuits étoilées
    Tous les mots qui n'avaient qu'un but
    Toi."
       Odysséas Elytis, Prosanatolismoi, Hélène

Vague, diffuse, Hélène se métamorphose en différentes formes, telle un Protée femelle, et reçoit aussi sa nouvelle forme des désirs et des visions de l'homme. Cercle de la nature, cercle de la vie, Hélène est le cercle éternel, le divin fait humain et l'humain déifié. Une déesse qui continuellement ne devient femme que pour redevenir déesse.

 

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© MINISTÈRE GREC DE LA CULTURE - ICOM - COMITÉ NATIONAL HELLENIQUE
De Medée à Sapho - Femmes rebelles de la Grèce Antique
Athènes, Musée Archéologique National - 20 Mars - 30 Juin 1995