ODE A L'AMOUR
Lorsque les anciens Grecs parlaient de "la
poétesse", ils voulaient dire Sapho, exactement de la
même manière qu'ils voulaient dire Homère
quand ils parlaient "du poète". Elle fut une
présence réellement dominante dans la poésie
antique, non pas tant pour le caractère autobiographique de
ses poèmes que parce que les chants qu'elle écrivait
révèlent sa sensibilité pour le beau, une
recherche du meilleur, et une définition de "ce qu'il y a
de plus beau". Cet éternel désir humain est
transformé par Sapho en questions claires et directes, par
lesquelles est mesuré et défini l'objet du bonheur
humain.
Dans le poème qui suit, le concept de "ce qu'il y a de
plus beau" est incarné dans le personnage
d'Hélène, qui est vengée par la
poétesse en ce qu'elle suivait les volontés
d'Aphrodite. Le poème évolue ainsi d'un éloge
de la beauté vers une profession de foi en l'amour, dans sa
dimension la plus large et la plus libre, puisque tout ce que peut
aimer un être est défini comme "ce qu'il y a de plus
beau".
Les uns aiment la cavalerie, d'autres l'infanterie, d'autres la marine.
Pour moi, je crois qu'ici, sur cette terre noire,
Ce qui est le plus beau, c'est pour chacun ce qu'il aime.
Et il est simple, très simple de me comprendre :
Hélène, qui, pour la beauté ne se comparait à aucune mortelle,
A quitté son homme irréprochable,
Et lui détruisit Troie, ville sacrée, tout entière, pour la reprendre.
Elle oublia ses enfants, ses chers rejetons, parce que dans ses filets
Cypris l'avait enlevée.
Facile, facile est le cœur de l'homme
Il veut avoir dans l'instant ce que veut sa tête
Je me suis rappelé mon palais qui me manque.
J'aurais plus de joie à entendre sonner son pas
A voir la gloire splendide de son visage
Que les armes des Lydiens, les chars et les batailles.
Je sais, la perfection n'est pas de ce monde
Mais ce que nous poursuivons n'est que peu de chose.
Sapho, 27aD
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