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La connaissance





Si la connaissance est la compréhension de l'essence de l'être et du paraître, de ce qui est et de ce qui semble, ainsi que de la dynamique des actions et des relations, qui permet de prédire les événements et d'atteindre des buts précis, alors l'archétype mythique de cette notion pour la pensée grecque antique est du genre féminin. Au niveau du mythe et de la pratique religieuse, où les choses font entendre des vérités enracinées au plus profond du temps et de l'inconscient de la pensée, la sagesse est le signe distinctif caractéristique d'une série de personnages féminins.

Le premier d'entre eux est Gaïa, la première à rendre des oracles, la mère primitive des dieux et des hommes, celle qui sait tout et signifie l'avenir. Vient ensuite Métis, la déesse de l'intelligence fertile en expédients, qu'il est indispensable de posséder pour triompher de tout combat. Zeus l'épouse avant de devenir le maître du ciel et, pour assimiler sa sagesse, la dévore, alors qu'elle est enceinte de leur enfant. Ainsi, possédant désormais et pour toujours la Ruse, il devient le rusé Zeus et assoit définitivement son pouvoir. A ce même groupe appartiennent Thétis, la sage maîtresse de la mer, Démèter, la Grande Déesse qui montre aux hommes comment cultiver les fruits de la terre et, en leur révélant les Grands Mystères, les libère de la crainte de la mort ; en naturellement Athéna, la déesse par excellence de la civilisation. Fille de Métis, elle naît cependant de la tête de son père tout-puissant. Protection et secours des héros civilisateurs, Athéna Erganè apprend aux hommes l'art du métier à tisser et du tour de potier, invente pour eux la charrue et la bride, et arme le premier navire, soumettant les forces sauvages de la nature à la puissance de l'esprit.

Dans le domaine du mythe évoluent aussi deux sages figures, déesses à l'origine, héroïnes par la suite, qui possèdent le toute-puissante connaissance magique qui peut renverser l'ordre du monde : Circé et Médée.

Cependant, à l'inverse de ce qui se produit sans le mythe, le système social strictement patriarcal prive les femmes grecques de l'époque historique du pouvoir de l'éducation et tente de les tenir à l'écart de la connaissance, comme s'il craignait que ce bien ne devienne entre leurs mains une arme redoutable.

    "Je hais la femme intelligente.
    Qu'il n'y ait pas chez moi une femme plus intelligente que ce qui convient à son sexe."
       Euripide Hippolyte porte-couronne, 616-618

Rares furent les femmes qui réussirent à surmonter des obstacles presque infranchissables pour cueillir le fruit à elles défendu de la connaissance. Plus rares encore celles qui, sortant de l'obscurité silencieuse du gynécée où l'emprisonnaient des préjugés séculaires, réussirent à gagner la reconnaissance de la postérité pour leurs connaissances et leurs oeuvres.

Reconnues ou anonymes, ces femmes appartiennent à trois grands groupes : les prêtresses, les magiciennes et les lettrées.

Grâce à la fonction qu'elles exerçaient, les prêtresses venaient souvent à participer d'une connaissance secrète d'une importance vitale pour la société et, en tant que représentantes de la divinité sur la terre, pouvaient dépasser les limites et les interdits pour détenir l'autorité et gagner le respect de leurs concitoyens. Révélateur de l'importance de leur rôle est le fait qu'il y ait eu des villes, comme par exemple Argos, où l'on prenait comme repère chronologique l'exercice des prêtresses de la divinité tutélaire de la ville, transmettant ainsi leur nom à la postérité. Parmi d'autres, la tradition fait référence à la prêtresse de la grande déesse thessalienne Enodia, dont la présence et la ruse furent des facteurs déterminants pour la colonie ionique d'Erythrées, alors que, bien plus tard, à l'époque de Platon, la prêtresse Diotime, que Socrate qualifie de très sage, réussit à sauver pendant dix ans les Athéniens de la peste grâce aux sacrifices et aux purifications qu'elle recommanda.

Par ailleurs, on trouve les magiciennes, qui sont elles aussi des sages et, tout comme les prêtresses, détentrices d'une connaissance à caractère surnaturel, qui, parce qu'elle est au service des intérêts de l'individu et non du groupe, menace de renverser la loi et l'ordre, et d'ébranler les fondements de la société. A la fois impure et sacrée, la magicienne, figure négative et obscure, cible de l'ironie des sceptiques, source de peur pour le plus grand nombre, dépasse les limites permises, provoque et pour cela est punie, parfois de mort. Les lettrées, quant à elles, évoluent dans un espace totalement différent bien qu'elles aussi, en se mettant au service des Muses, partagent l'auréole du souffle sacré. Ces femmes, en réussissant à s'instruire, articulent de manière créative leur verbe poétique et parfois même dépassent leurs confrères masculins.

La tradition a sauvé quelques noms de poétesses : Myrtis, Télésilla, Praxilla, Nossis, Anytè, Erinna, Edylè, Miro, Korinna - qui vainquit Pindare à un concours poétique. De leur oeuvre, cependant, ne nous reste que quelques fragments de vers, trop pauvres, malheureusement, pour que nous puissions évaluer leur contribution, à l'exception illustre de Sapho, qui à l'époque de Platon était déjà une légende.

 

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© MINISTÈRE GREC DE LA CULTURE - ICOM - COMITÉ NATIONAL HELLENIQUE
De Medée à Sapho - Femmes rebelles de la Grèce Antique
Athènes, Musée Archéologique National - 20 Mars - 30 Juin 1995