ANTIGONEla noblesse du déni de soiFille d'Oedipe et de Jocaste, soeur d'Etéocle, Polynice et Ismène, Antigone est, comme Hélène, une figure nouvelle, ajoutée par la tragédie au vieux mythe des Labdacides. Principalement une création de Sophocle, elle est une des héroïnes les plus positives de la tragédie antique. Fille aimante et dévouée, elle suit son père aveugle, après le désastre, dans les malheurs de l'exil et le soutient, dans l'amour et déni de soi, jusqu'à la fin. C'est avec le même amour qu'elle essaie de tempérer la haine qui divise ses frères et soeur, et d'éviter une guerre fratricide. Et quand le mal est accompli et que tout est perdu, Antigone n'hésite pas à prendre sur elle la dernière dette envers sa famille, fût-ce au prix de sa vie même. Au mépris de l'ordre de Créon, et plaçant la loi non écrite de la famille au-dessus des diktats des tenants de l'autorité, elle ose violer l'interdiction du tyran, et enterrer le corps de Polynice (qui gît devant les murailles de Thèbes, où il a été jeté aux corbeaux), pleinement consciente que son acte la mènera à une mort certaine. Quand elle est amenée devant Créon, elle revendique son acte, hardiment et librement. Non seulement elle ne demande nul pardon, mais elle ose ouvertement accuser le tyran en face d'abuser de son pouvoir. La noblesse de l'acte et des paroles d'Antigone transgresse les limites permises aux femmes et menace de bouleverser l'ordre établi. La réaction de Créon est immédiate, et sa sentence de condamnation, irrévocable.
S’il faut périr, mieux vaut tomber sous la main d’un homme Que d’être appelé inférieur à une femme. Sophocle, Antigone, 678-680 Cependant, lorsqu'Antigone est menée au tombeau, son chant est pour les joies de la vie de femme qu'elle n'a pas eu le temps de vivre :
Sans mariage, sans noces, privée de ma par d’épouse et de mère, mais privée de mes amis je descends vivante, pauvre créature, aux cavernes des morts. Sophocle, Antigone, 916-920 Au moment crucial, Antigone surpasse tous les hommes en noblesse et devient un symbole éternel de révolte contre l'injustice. Mais elle le fait sans contredire sa nature, d'une manière féminine, car, elle le dit elle-même, "Je suis née pour aimer".
Je ne te parle pas de choses du passé, je parle d'amour : Orne ta chevelure des épines du soleil sombre fille, Le coeur du Scorpion s’est couché Le tyran dans l’homme est parti. G. Seferis, L’amour (Eros)
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De Medée à Sapho - Femmes rebelles de la Grèce Antique Athènes, Musée Archéologique National - 20 Mars - 30 Juin 1995 |