I. Caractères généraux
des sanctuaires classiques
Au temple (naos) où est enfermée la statue de la
divinité s'oppose le hiéron, lieu consacré,
endroit public où se rend le culte. Le naos est un des
contenus du hiéron.
Les plus anciens sanctuaires ont été des grottes, des
crevasses, comme en Crète sur le Mont Ida, en Cynthie, à
Delphes les Phédriades, ou dans les flancs de l'Acropole. Ceux de
Crète sont consacrés à Zeus, ceux de Delphes
à Apollon, l'antre de Phrygie à Déméter, les
cavernes de l'Acropole à Athéna.
D'autres sanctuaires sont des lieux de culte de plein air, souvent de
simples enclos avec un ou plusieurs arbres sacrés.
Ajoutons les chapelles des palais mycéniens, et, dans la maison,
l'endroit où se situent les foyers : le
mégaron.
A. Composition d'un sanctuaire
Le téménos
L'aire, parfaitement et religieusement délimitée, et
consacrée publiquement, équivalent du templum
latin. Ce téménos est déterminé
simplement par une ligne de bornes, ou de pieux, souvent. Quelquefois,
le téménos est entouré d'un mur de
clôture appelé "péribole", qui peut
être un véritable rempart. Ce péribole est franchi
par des propylées qui s'ouvrent sur une allée menant
à l'image de la divinité. Sur leurs faces
intérieures, les périboles sont souvent longés de
portiques.
L'intérieur
Sur l'espace souvent réduit du téménos
s'entassent un nombre assez important de monuments allant jusqu'à
la confusion. Parmi ces constructions, trois sont fondamentales :
un delubrum, où l'on se purifie, un autel pour les
sacrifices, et la statue du culte contenue ou non dans un naos.
D'autres monuments varient et personnalisent les sanctuaires.
A Epidaure, sanctuaire d'Asclépios, il y a un hôpital
religieux : des salles d'incubation.
Dans d'autres sanctuaires oraculaires, on trouve un manteion,
lieu où l'on prophétise (l'adyton souterrain dans
les sanctuaires de Dionysos), un théâtre.
Tous ces éléments peuvent se trouver réunis dans de
très grands sanctuaires, qui sont des villes sacerdotales. Dans
certains lieux, il y a différents sanctuaires consacrés
à des divinités diverses.
Au sanctuaire, en-dehors des limites du téménos,
sont annexés un stade, un hippodrome, des hôtels pour les
pélerins, les logements des prêtres, des bains, des
boutiques.
B. Les différentes catégories de sanctuaires
Les sanctuaires particuliers
Ils sont fondés par de simples particuliers :
Xénophon, après la retraite des Dix-Mille, éleva un
sanctuaire à Artémis.
les sanctuaires des fratries
Ils sont plus rares. Les fratries y vénéraient leur
héros, souvent le héros éponyme. Peu à peu,
on y vénérera de grands dieux, le caractère
familial se perdra, surtout après Clisthène.
les sanctuaires des tribus
Ils sont eux aussi dédiés au départ à un
héros éponyme. On y trouve le trésor, les archives,
un local de fêtes.
les sanctuaires des cités et les sanctuaires nationaux
Ils peuvent être consacrés à une divinité
poliade, par exemple l'Acropole.
les sanctuaires des fédérations
et les sanctuaires panhelléniques
Les ligues se réunissaient dans un sanctuaire
fédéral, par exemple la ligue de Délos. On y
accepte parfois des étrangers à la
fédération. Ils deviennent alors des sanctuaires
panhelléniques : olympiques, isthmiques,
néméens, pythiques...
C. Puissance économique des sanctuaires
Les grands sanctuaires ont disposé de biens considérables.
Le dieu est propriétaire. Le personnel est surtout chargé
d'administrer les biens du dieu.
Les ressources
Les ressources qui ne rapportent pas
Les offrandes contenues dans le temple ou dans des monuments le long de
la voie sacrée (les "trésors" à Delphes).
Ces ressources, il n'y a qu'à les conserver. De temps en temps,
on fait des inventaires, et, pour éviter les encombrements, des
révisions périodiques. A Delphes, on fond des objets en
lingots. Parfois, quand une offrande est difficile à garder, on
lui en substitue une autre. Les animaux vivants, fruits, miel et autres
denrées éminemment périssables. On vend tout cela
pour acheter des objets précieux.
Les ressources qui rapportent
L'argent disponible est contenu dans des jarres (pithoi). Sur
chacune d'elles, une inscription indique la provenance de la somme,
jour, mois, arrivée en dépôt, montant, nom du
déposant. On investit ces capitaux : on les place ou on les
prête pour cinq ans à dix pour cent. Le remboursement est
garanti par une hypothèque et un droit de saisie sur tous les
biens du débiteur. Il y a aussi les maisons et domaines ruraux
sur lesquels on touche des loyers et des fermages. Il existe un
modèle universel de contrat, un bail de dix ans, qui n'est
valable que si le locataire fournit une caution. En cas de retard,
amende, puis vente ou saisie, ou, honte des hontes, inscription sur la
stèle des débiteurs du dieu.
Les subventions
Elles sont données par la ville grâce à des droits
variés sur la navigation, le commerce, l'industrie.
Les dépenses
On distingue les dépenses périodiques classiques,
entretien du temple, sacrifices, traitements du personnel, et les
dépenses accidentelles, travaux, réparations,
constructions. En principe, c'est l'ecclèsia qui
décide de l'exécution de ces gros travaux, qui sont mis en
adjudication. Chaque marché est consigné dans un contrat
minutieusement établi, avec devis et cahier des charges.
L'administration financière
Elle est confiée à des personnages considérables et
particulièrement respectés. A Délos,
l'administration financière est confiée à quatre
intendants du temple, les quatre hiéropes. Leur charge est
annuelle. Deux d'entre eux sont spécialement chargés des
biens du dieu, les deux autres s'occupent de l'organisation, des
sacrifices et du culte. Ils sont soumis au contrôle de
l'ekklèsia.
A Delphes, l'administration financière du sanctuaire appartient
à la boulè, et particulièrement à la
commission des prêtresses de cette boulè. En 369 est
instituée une nouvelle commission internationale, celle des
tamiai, les trésoriers. Chaque cité doit se faire
représenter au collège des tamiai.
D. Le rôle politique des sanctuaires
La réunion de plusieurs peuplades autour d'un sanctuaire commun
existait dans le monde égéen avant même l'invasion
achéenne : Amphictionis, Delphes. Leur but est d'abord
purement religieux : l'adoration commune d'un dieu, offrande d'un
sacrifice en commun, célébration d'une fête. On
proclame alors une trêve sacrée. Théores,
archithéores, particuliers, se rendent à la
réunion, avec des conséquences commerciales, en
particulier des foires. L'idée de communauté de race,
d'intérêts de parenté se trouve fortifiée par
l'adoration du même dieu. Delphes et Eleusis ont entrevu
l'idée de l'unité religieuse de tous les Grecs,
prélude à une unité nationale panhellénique.
Ces projets de Delphes et d'Eleusis ont échoué.